Chère lectrice, cher lecteur,

Une étude réalisée par Doctolib nous apprend que les consultations de médecins généralistes sont en forte baisse, entre janvier et avril 2020. Moins 44% de fréquentation à cause de la crise du coronavirus !!!1

Celle des médecins spécialistes a quant à elle baissé de 71% sur la même période !

Le Conseil Scientifique a beau rappeler que les patients – notamment ceux qui sont fragiles ou ont une maladie chronique – doivent continuer à venir voir leur médecin sans quoi « la situation pourrait devenir « dramatique », les malades n’en font qu’à leur tête et se défilent…

Mais faut-il s’attendre à la catastrophe annoncée ?

Avant de répondre, je veux préciser qu’il y a de très nombreux cas où la consultation médicale est indispensable, et qu’il ne s’agit en aucun cas de faire la promotion de l’auto-médication irresponsable.

Mais il se trouve aussi que nous avons déjà connu par le passé d’étonnants événements, où la chute drastique de « l’offre médicale » (que ce soit le manque de médecins ou de médicaments) n’a pas eu du tout les conséquences tragiques qu’on avait anticipées.

Moins de médecins = moins de patients morts !

Voici ce qui s’est notamment passé en Israël, en 1999.
Les médecins de l’Association Médicale Israélienne avaient décidé de faire grève, avertissant la population qu’ils ne la prendrait plus en charge – sauf urgence absolue.

Evidemment, tout le monde s’est mis à craindre le pire, et notamment une explosion du nombre de morts par défaut de soins.

Mais une enquête d’un reporter du Jerusalem Post a au contraire montré une baisse des morts dans la ville de 55 % pendant les 3 mois qu’a duré la grève, par rapport aux mêmes périodes des deux années précédentes.

Bizarre, quand même !

Et il y a encore plus étrange : dans une autre ville du pays où les médecins n’avaient PAS fait grève (Natanya), le nombre de morts était resté STABLE !!!

Alors vous pouvez m’objecter qu’il ne s’agit que de données d’observation, peut-être d’un hasard, ou d’une anomalie restée sans explication.

Peut-être, mais cela illustre une question plus large que l’on peut se poser : est-ce qu’à force de chercher la maladie, on ne finirait pas un petit peu par la trouver

Surtout, ne PAS chercher

On le sait chez les hommes, quand on regarde ce qui se passe avec le cancer de la prostate et son dépistage systématique…

Car bien que la Haute Autorité de Santé ne conseille PAS ce dépistage systématique 71 % des Français de 50 à 69 ans, et 90 % des patients entre 65 et 79 ans, ont accepté de faire des tests entre 2012 et 2015.

Sur le conseil de leur médecin…

Le résultat, d’après le Dr Desportes, auteur du livre « Le scandale du dépistage du cancer de la prostate », est que ces examens débouchent souvent sur des traitements lourds aux conséquences graves…alors que c’est TOTALEMENT inutile.

« Quand on fait une biopsie, on trouve souvent des cellules cancéreuses. Plus on vieillit, plus on en a. Mais le problème c’est que, dans la majorité des cas, ces cellules ne se seraient pas développées ».

« À la suite du traitement, 300 000 hommes sont devenus impuissants pour rien. Parmi eux, 150 000 sont devenus incontinents. »

Vous avez bien lu : les cellules cancéreuses ne se seraient PAS développées. Et que les souffrances, physiques comme psychologiques, endurées par les patients l’ont été…en pure perte.

On sait en effet aujourd’hui que de nombreux cancers sont non-progressifs2.

C’est notamment le cas du cancer du sein.

Une étude – je devrais dire une BOMBE – parue dans le British Medical Journal a ainsi montré que le dépistage du cancer du sein ne diminue PAS le nombre de morts par cancer du sein ;

Au contraire, il augmenterait (+ 22 %) le risque de se faire diagnostiquer un pseudo-cancer qui n’aurait jamais évolué ou aurait disparu spontanément3.

Trop de diagnostic, comme le résume le Dr G. Welch, du Dartmouth Institute for Health Policy and Clinical Practice, peut rendre malade les bien-portants4!

« Il s’avère que la meilleure stratégie pour les anomalies les plus bénignes est de les laisser tranquilles, car le dommage est plus probable. En fait, il serait plus prudent de ne pas les rechercher du tout, pour commencer5».

Cette politique du diagnostic à tout prix entraîne à mon avis un autre problème : la passivité du patient face à l’avis médical…

…qui lui fait oublier que l’un des premiers médicaments est la connaissance que l’on a de soi-même.

Le meilleur médicament, c’est vous !

Je vous ai déjà parlé des travaux fascinants du Dr Isaac Jennings, médecin américain qui exerça dans l’Ohio à la fin du XIXème siècle6.

Un jour, après vingt ans de pratique « classique », Jennings fut confronté à une rupture de stocks de médicaments.

Et il n’eut pas d’autre choix que de conseiller à ses patients de rentrer chez eux, de se reposer, et de boire des tisanes.

Il s’attendit au pire, mais contre toutes les prévisions, le résultat fut excellent. Alors dans un mouvement d’une audace sans pareille, Jennings décida d’expérimenter une nouvelle stratégie de soin : ne rien faire !

Le médecin se mit à distribuer à ses patients des pilules vides, sans principe actif (dummy pill ou placebo) et de simples conseils « de bon sens » : équilibre et sobriété alimentaires, exercice physique, approche spirituelle, importance du lien social, de la relation familiale etc.

La méthode fonctionna si bien que Jennings continua à soigner ainsi ses malades – sauf bien sûr dans de rares cas où les médicaments étaient indispensables face à l’urgence – pour le restant de sa carrière.

Il fût récompensé par un diplôme honoraire de l’Université de Yale « en raison de ses succès nombreux et répétés ». Sans le moindre médicament !

« Il n’existe aucune force de guérison en dehors du corps » disait le Dr Isaac Jennings.

Mais « ne RIEN faire », tout de même… est-ce une option ?

En tout cas, comme le disait déjà Hippocrate, ne rien faire qui nuise.

Mais éveiller le patient aux équilibres naturels, à sa force intérieure d’auto-guérison.

L’accompagner dans la (re)découverte de son corps, de son mode de vie, de son alimentation, de son comportement avec les autres et avec lui-même.

C’est peut-être – il n’est pas interdit de rêver – une des dimensions positives qui nous apparaîtra lorsque la « crise » du coronavirus sera passée : le meilleur médicament, c’est nous !

Santé !

Gabriel Combris

PS : Au sujet du cancer de la prostate, je veux juste signaler qu’une étude récente a montré que manger des aliments à index glycémique (IG) élevé pouvait en doubler ou tripler le risque7.

D’où la nécessité de réduire la charge glycémique avec la suppression des féculents et sucres, et d’évoluer vers une alimentation riche en légumes, qui réduit les risques d’hypertrophie de la prostate, en particulier si les légumes sont riches en antioxydants – béta-carotène, lutéine, vitamine C, etc.

Les crucifères en particulier (brocolis, choux, etc.) contiennent des glucosinolates, des substances protectrices de la prostate et manger 3 portions par semaine est associé à un risque amoindri de cancer de la prostate8.

Si le sujet vous intéresse, je vous renvoie à ma lettre complète ici

 

Sources :

[1] www. bfmtv.com/sante/les-consultations-de-medecins-generalistes-en-chute-de-44percent-1893481.html

[2] Intraepithelial Neoplasia », European Urology, 30 (1996) : 138-144.

[2] W. J. Mooi et D. S. Peeper, « Oncogene-induced Cell Senescence – Halting ont the Road to Cancer », New England Journal of Medicine, 355 (2006) : 1037-1046 ; J. Folkman et R. Kalluri, « Cancer without Disease », Nature, 427 (2004) : 787 ; M. Serrano, « Cancer Regression by Senescence

[3] Anthony B. Miller, Claus Wall, Cornelia J. Baines, Ping Sun, Teresa To, and Steven A. Narod, Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial, British Medical Journal, 11 février 2014

[4] www. docteur.nicoledelepine.fr/trop-de-medecine-mauvais-pour-vous-et-mauvais-pour-les-systemes-de-sante/

[5] www. ledevoir.com/opinion/chroniques/366291/quand-la-medecine-rend-malade

[6] Isaac Jennings, The Philosophy of Human Life.

[7]Federation of American Societies for Experimental Biology (FASEB) news release, accessed 5 April 2016 via Newswise.

[8]Kristal AR et al., Brassica vegetables and prostate cancer risk: a review of the epidemiological evidence. Nutr Cancer. 2002 ; 42:1–9.