Chère lectrice, cher lecteur,

L’organe à la mode de cet hiver, c’est le nez !

Les initiatives scientifiques se multiplient en effet pour faire de votre nez une zone de défense antivirus, avec des techniques…assez fascinantes.

Ainsi, en septembre dernier, des chercheurs français du CNRS ont notamment mis au point un « leurre chimique » pour verrouiller le SARS-CoV-2.

Voici comment ça se passe :

Quand le virus entre dans notre corps, il s’accroche aux membranes cellulaires grâce à un couple protéine/récepteur.

Sur l’enveloppe du virus, se trouve la protéine SPIKE, qui s’emboite au récepteur ACE2 de la membrane cellulaire humaine. Cela permet au virus « d’ouvrir la porte » qui peut alors entrer dans les cellules, notamment pulmonaire, et engendrer des complications respiratoires sévères.

Pour contrer ce problème, les chercheurs ont mis au point un peptide (un ensemble d’acides aminés) qui ressemble au récepteur ACE2.

Ce peptide va venir se fixer sur les protéines de l’enveloppe du virus. Ce dernier ne peut PAS ouvrir la porte qui mène à l’intérieur de nos cellules puisque ses protéines sont retenues bloquées par le peptide.

Le peptide serait administrable notamment en spray nasal.

L’équipe française a breveté la méthode, mais pour l’heure on ne parle pas encore d’une date de sortie pour le produit physique[1]. Mais c’est en tout cas la preuve que le nez est sous les feux de la rampe !

Une algue bretonne qui fait « mieux que le remdesivir »

En juillet 2020, un autre spray nasal élaboré à base d’algue brune a lui aussi été présenté à la scène médicale.

C’est une équipe américaine cette fois-ci qui est à l’origine de cet antiviral étonnant. Les chercheurs ont isolé des polysaccarides du Kombu royal (laminaria saccharina, algue que l’on retrouve notamment sur les côtes bretonnes).

Leur étude, publiée dans Nature[2], met en lumière la capacité des polysaccarides, dont le fucoïdane, à « leurrer le virus » lui aussi :

  • Le virus va s’accrocher aux polysaccharides, pensant qu’il s’agit là de cellules classiques humaines.
  • Une fois arrimé aux molécules de l’algue, le virus est neutralisé.
  • Il finira par se désintégrer tandis qu’il est retenu coincé.

Dans une étude in vitro, les molécules d’algue s’avèrent donner de meilleurs résultats en termes de réduction de la charge antivirale que le REMDESIVIR, l’antiviral développé contre le virus SARS-CoV-2 par le laboratoire Gilead, et dont nous avons eu l’occasion dans une lettre précédente, de montrer qu’il était non seulement cher, inefficace, et gravement toxique pour le foie et les reins[3].

Méthode alternative contre les infections : des probiotiques dans le nez

Une publication parue dans la revue Cell Reports de mai 2020 allie possibilité de traitement en spray pour le nez, microbiote nasal et immunité.

On la doit à une équipe belge de l’université d’Anvers, qui a mené des tests sur le microbiote nasal de 100 patients sains pour le comparer à celui de 225 patients atteints de rhinosinusite chronique[4].

Leur constat ?

Les personnes souffrant de rhinosinusite chronique ont une flore nasale déséquilibrée : on retrouve dix fois plus de lactobacilles dans le microbiote nasale des personnes saines que dans celui des personnes malades.

Lactobacilles : comment ces souches de bactéries ont évolué dans le nez

Cette classe de bactéries est présente en grand nombre dans la flore intestinale équilibrée. Selon l’étude, dans une flore nasale saine, elle est également légion.

Dans le cas présent, ce sont surtout des bactéries lactiques de l’espèce Lactobacillus Casei qu’on a trouvé en nombre important.

L’équipe a d’abord découvert que ces bactéries s’étaient adaptées aux contraintes du milieu nasal : taux d’oxygène plus élevé que dans l’intestin, stress oxydatif, beaucoup de passage d’air…

Mais qu’elles auraient aussi la capacité :

  • D’inhiber la croissance d’agents pathogènes qu’on retrouve dans la cavité nasale,
  • D’entraver l’attachement des particules virales aux cellules humaines.

De là est née l’idée de créer un spray nasal de probiotiques pour réensemencer la flore nasale des personnes carencées en lactobacilles et soutenir la réponse immunitaire en cas d’infections.

Pour l’heure ce sont 20 volontaires sains qui ont utilisé un spray de probiotiques 2 fois par jour pendant 2 semaines.

Et le résultat est encourageant selon les chercheurs, au vu de la colonisation de ces bactéries dans la flore nasale des participants, et ce jusqu’à deux semaines après l’utilisation du spray.

Pourquoi votre nez doit être particulièrement sain cet hiver

Cette publication souligne que l’équilibre dans la flore nasale est sans doute le meilleur moyen de passer l’hiver sans infection virale. Voici trois bonnes raisons de garder sa flore nasale à l’œil, surtout cette année :

Pour éviter le cercle vicieux de la dysbiose nasale

Un déséquilibre de bactéries nasales peut permettre à des virus (dont bien sûr le SARS-CoV-2) de proliférer et vice versa : être infecté par un virus peut rendre un terrain favorable à la prolifération de certaines bactéries au détriment d’autres bactéries indispensables.

C’est alors le cercle vicieux car, faute d’équilibre bactérien, on peut se montrer plus vulnérable aux infections virales…[5]

Pour être moins vulnérables face aux infections

Pourrait-on diminuer le risque de contracter des infections avec une flore nasale saine ?

La question est d’autant plus pertinente que le microbiote nasal perd en quantité et qualité de bactéries avec l’âge, comme c’est le cas pour la flore intestinale.

Mais ce sont aussi les antibiotiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou encore le tabagisme qui détériorent le microbiote nasal.

Grâce à une supplémentation adaptée de probiotiques, les personnes âgées, ou celles plus vulnérables aux infections, pourraient inverser cette tendance.

Des études avaient ouvert la voie sur ce sujet [6] :

  • En 2010, un spray intranasal de lactobacillus GG aurait renforcé le système immunitaire respiratoire chez la souris contre le virus de la grippe H1N1 ;
  • Dans une autre étude publiée en 2010, on a constaté que l’administration de produit fermenté contenant des souches de probiotiques Lactobacillus casei aurait diminué la durée d’infections telles que les rhinopharingites chez les personnes âgées ;
  • En 2013, des chercheurs prouvent que l’administration de probiotiques préviendrait 40 à 60% des maladies pulmonaires obstructives chroniques (MPOC) provoquée par une infection virale.

D’autres études plus récentes continuent d’abonder dans ce sens.

En 2018, une équipe constate qu’un trio de lactobacillus diminueraient la fréquence, la durée et les symptômes de la grippe et des infections des voies respiratoires en augmentant le niveau d’interferon-γ dans le sang (cytokine immunitaire indispensable en cas d’infection virale) et d’immunoglobine A dans l’intestin[7].

Ces études sont d’autant plus d’actualité que dans le cas de patients décédés du covid-19, on a également retrouvé un nombre significativement moindre de lactobacilles et bifidobactéries[8].

Pour protéger les voies respiratoires !

De nombreuses recherches prouvent que des agents pathogènes opportunistes de la cavité nasale peuvent, en cas de dysbiose nasale, se propager vers d’autres sections des voies respiratoires.

Cette diffusion d’agents pathogènes participe alors au développement d’allergies, de rhinosinusites chroniques, d’infections aigües des voies respiratoires, d’otites moyennes ou encore d’asthme.

Conseil de yogi pour cet hiver

Cet hiver, pensez à nettoyer votre nez avec du sérum physiologique ou une solution à l’eau de mer, car un nez sec est plus vulnérable aux infections, la muqueuse n’est pas hydratée, des lésions ou des croûtes peuvent apparaitre.

Il existe par ailleurs une méthode ayurvédique intéressante, jala netī, une des six purifications du corps physique utilisée par les yogis pour prévenir les maladies respiratoires pratiquées depuis des siècles.

Cette purification au niveau des narines atténue les symptômes de sinusite mais aussi de l’asthme ou de la bronchite[9] : on nettoie son nez à l’aide d’un petit pot à bec verseur, et un mélange d’eau tiède et de fleur de sel.

Voici les 3 étapes :

  1. Penchez la tête du côté droit, gardez la bouche ouverte pour respirer ;
  2. Placez le bec verseur dans la narine gauche et faites couler l’intégralité du pot (l’eau va de la narine gauche à la narine droite) ;
  3. Recommencez de l’autre côté.

L’idéal est de faire cela quotidiennement.

Et si vraiment vous avez une sécheresse importante au niveau des cavités nasales, une noisette d’huile de sésame bio fera l’affaire : elle est antibactérienne et anti-inflammatoire, et humidifiera les muqueuses asséchées.

Et n’oubliez pas que « quand l’amour tarde, il monte au nez » …

Ou je sais…mais bon, si on ne peut pas rigoler un peu

Santé !

Gabriel Combris

 

Sources :

[1] CNRS, Espace presse « Découverte d’un peptide bloquant l’infection des cellules pulmonaires par le SARS-CoV-2 », http://www.cnrs.fr/fr/decouverte-dun-peptide-bloquant-linfection-des-cellules-pulmonaires-par-le-sars-cov-2

[2] Kwon, P.S., Oh, H., Kwon, S. et al. « Sulfated polysaccharides effectively inhibit SARS-CoV-2 in vitro. » Cell Discov 6, 50 (2020). https://doi.org/10.1038/s41421-020-00192-8

[3] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1201971220305282

[4] S. Lebeer, I. De Boeck, M. F.L. van den Broek, et al., « Lactobacilli Have a Niche in the Human Nose », Cell Reports, (2020). https://doi.org/10.1016/j.celrep.2020.107674

[5]Na Li, Wen-Tao Ma, Ming Pang, et al., « The Commensal Microbiota and Viral Infection: A Comprehensive Review », Front. Immunol., 2019, https://doi.org/10.3389/fimmu.2019.01551 

[6] Sundararaman, A., Ray, M., Ravindra, P.V. et al. « Role of probiotics to combat viral infections with emphasis on COVID-19. » Appl Microbiol Biotechnol104, 8089–8104 (2020). https://doi.org/10.1007/s00253-020-10832-4

[7] Zhang H, Yeh C, Jin Z, Ding L, Liu BY, Zhang L, Dannelly HK (2018) « Improvement of upper respiratory infection rate. » Synth Syst Biotechnol 3:113–120. https://doi.org/10.1016/j.synbio.2018.03.001

[8] D. Jacques, « Des super-probiotiques à l’épreuve du COVID », Alternative santé, 2020.

[9] Chandran R, Rajan G, Reddy KVR, Shaikh B, Babu, et al. (2016) Influence of Cleansing Technique (Neti) on Allergic Rhinitis, Common Cold and Sinusitis. J Tradi Med Clin Natur 5:e121. doi:10.4172/2167-1206.1000e121