Chère lectrice, cher lecteur,

Le philosophe grec Héraclite disait : « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ».

Oui, et alors ?  

Eh bien en langage de philosophe grec, c’est une façon de dire que les choses sont en perpétuel changement, ainsi que notre vie intérieure.

Comme un fleuve, qui semble être toujours le même, mais qui est en réalité toujours mouvant, nos vies évoluent en permanence, comme nos convictions, nos amitiés, nos forces ou nos fragilités.

Nous changeons, et c’est pourquoi nous ne pouvons JAMAIS vivre deux fois la même chose à l’identique.

Jamais « le bain » dans la rivière n’est le même : soit c’est la rivière qui est différente, soit c’est nous qui avons changé.

C’est cette phrase qui m’est revenue à l’esprit alors que l’on parle aujourd’hui beaucoup de rédiger ses « directives anticipées », pour « préciser ses souhaits concernant sa fin de vie » :

 

 

 

Ce document, nous dit l’administration, « aidera les médecins, le moment venu, à prendre leurs décisions sur les soins à donner, si la personne ne peut plus exprimer ses volontés[1] ».

Ainsi, il nous faut donc décider aujourd’hui de ce que nous supposons que nous penserons demain si nous nous trouvions dans une situation « végétative ».

Hmmm..

Ce que je sais, c’est que je redoute aujourd’hui de me retrouver demain dans cette situation.

Et je pense que je souhaiterais une issue plutôt qu’une autre.

Mais dans le fond, est-ce si sûr ?

Demandons leur avis aux personnes concernées

 

Une étude de l’Université de Liège, en Belgique, a ainsi été réalisée auprès de patients « emprisonnés dans leur corps », conscients mais totalement paralysés, et ne pouvant communiquer qu’en bougeant les yeux[2].

Les chercheurs leur ont demandé s’ils se sentaient « heureux ».

Réponse : 72 % ont dit OUI !

???? Honnêtement devant un tel résultat, ma première réaction a été de penser : « Mais comment est-ce possible ? »

Réponse de Steven Laureys, le neurologue qui a conduit l’étude :

« Cela peut paraître surprenant pour nous, de l’extérieur, mais certains patients font preuve d’une énorme capacité d’adaptation à leur nouvelle situation. »

« Beaucoup évaluent leur qualité de vie à un meilleur niveau que je n’aurais jugé la mienne !!! ».

C’est peu de dire que ce n’est pas exactement le genre de résultat auquel on s’attendrait.

L’environnement familial, notamment, stimule énormément la conscience de ces personnes et leur procure une source de grande énergie : qu’ils soient à la maison ou à l’hôpital, tous ceux qui se sont réveillés avaient une présence très forte de leurs proches à leurs côtés.

Il faut savoir aussi que ceux qui s’estimaient le plus malheureux étaient aussi ceux dont l’accident était le plus récent.

Et il est en effet fréquent pour les accidentés lourdement handicapés de ressentir une dépression profonde… puis, progressivement, de s’adapter à leur nouvel état, voire de l’accepter et de le…dépasser !

Pour le docteur Philippe Dransart, médecin homéopathe et auteur du livre « La maladie cherche à me guérir », la maladie grave peut en effet parfois agir comme un révélateur :

« Nombreuses sont les personnes qui m’ont dit combien cette épreuve leur avait permis de s’affranchir d’un rôle où elles se sentaient confinées pour devenir enfin « elles-mêmes ».

« Touchés dans notre ADN, nous le sommes aussi dans nos références et c’est comme une crise existentielle, un danger vital certes, mais aussi pour nombre d’entre nous l’opportunité de découvrir un chemin intérieur qui nous mène à la profondeur de notre être. »

Ainsi la maladie est-elle, parfois (j’insiste bien sur ce mot, parfois) le révélateur de l’immense puissance vitale qui nous anime !!!

Et cette puissance atomise nos « repères » traditionnels du bonheur :

Pour le professeur Adrian Owen, du centre d’études du cerveau de l’Université d’Ontario, « nous ne pouvons pas préjuger de ce que cela peut être que de vivre dans une de ces situations (végétatives), car beaucoup de patients trouvent leur bonheur dans des choses que nous ne pouvons tout simplement pas imaginer. »[3]

Sa conclusion : il n’y a pas de catégories fixes, comme l’écrivent les journaux, mais des états variables aux évolutions imprévisibles.

Comme dit le philosophe grec : « on ne se baigne jamais deux fois le même fleuve… »

 

Et pourtant ils étaient…morts

 

Il faut ajouter que la science du cerveau est loin d’être infaillible, on pourrait même dire qu’elle n’est qu’à ses débuts : les médecins peuvent se tromper sur votre niveau de conscience… ou sur vos chances réelles de vous « réveiller ».

 

On ne compte plus les cas de patients dans le coma, dont les médecins pensaient qu’il fallait les « débrancher », et qui…reviennent à la vie :

 

 

Nous touchons avec ce sujet, les limites de notre compréhension du vivant.

Or les « directives anticipées » se résument à un document administratif de 11 pages, (vous pouvez en trouver un exemplaire ici), dans lequel il est bien sûr impossible d’imaginer tous les cas de figure et les situations qui pourraient se produire…

Alors que faire ?

Sur ces questions compliquées, je ne prétends évidemment pas avoir la bonne réponse. Et je serai content de lire votre opinion sur le sujet. Certainement votre avis m’éclairera.

Mais il est intéressant de constater que les pays n’ont pas tous la même approche.

En France, en l’absence de directive anticipée, c’est le médecin qui décide de votre sort.

En Belgique, au contraire, c’est la famille.

Alors les directives anticipées me paraissent ainsi utiles

Moins peut-être pour décider à l’avance de ce que nous voudrons vraiment… mais pour faire le choix de la – ou des – personnes de confiance qui prendront la décision pour nous…si nous ne pouvons plus le faire.

Santé !

Gabriel Combris

Sources :

[1] https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32010

[2] https://bmjopen.bmj.com/content/1/1/e000039

[3] https://www.newscientist.com/article/dn20162-most-locked-in-people-are-happy-survey-finds/