Cher lecteur, chère lectrice,

Avez-vous entendu parler de la dernière « promesse » de traitement contre l’arthrose sur laquelle travaillent des chercheurs de l’Inserm et de l’université de Strasbourg depuis 2016 ?

Un « pansement » qui régénérerait l’articulation, même dégradée1.

Le dispositif est constitué de deux couches cellulaires, dont une de cellules souches : des cellules indifférenciées, se multipliant rapidement et capables de devenir des cellules spécialisées (d’un organe, d’un tissu…).

Mais, premier problème : on ne peut utiliser les cellules souches que dans quelques situations bien précises (cellules souches sanguines, cellules souches de la peau, cellules souches pour la cornée…)2 .

D’autre part, on contrôle encore assez mal l’évolution de ces cellules souches. Rien ne garantit qu’elles évoluent vers le tissu souhaité ni à l’endroit souhaité3, sans compter les risques de développement de cellules malignes et tumeurs4.

Deuxième problème : évoquer un « pansement » est trompeur, car on parle bien ici d’UN IMPLANT OSTEOARTICULAIRE5, qui pourrait se poser sur l’articulation comme un pansement.

Il s’agit donc d’un traitement invasif, lourd, et dont l’évolution est encore incertaine aujourd’hui.

Je ne dis évidemment pas qu’il ne faut pas s’y intéresser, mais non seulement il faut être conscient des risques associés à un traitement aussi invasif, mais il faut aussi savoir qu’il existe déjà d’autres traitements intéressants, non invasifs et sans effet négatif relevé, que l’on pourrait chercher à optimiser.

Je pense par exemple au champ électromagnétique pulsé (CEMP).

Avec le champ électromagnétique pulsé, des ondes de faible fréquence passent la barrière cutanée et pénètrent jusqu’aux muscles, os, tendons voire aux organes, pour activer les mécanismes naturels de réparations de l’organisme.

Plus précisément, l’activation des processus biologiques cellulaires se fait au moyen de courants électriques induits par le champ électromagnétique pulsé faible (fréquence comprise généralement entre 6 et 500 Hz).

Des années qu’on dit que ça marche : pourquoi la recherche patine ?

Depuis les années 1980, les chercheurs ont prouvé que les thérapies utilisant les champs électromagnétiques pulsés pouvaient accélérer la cicatrisation, la réparation de fracture, réduire les hématomes ou encore traiter l’inflammation6.

Il existe des dizaines d’études qui analysent les effets sur l’arthrose de ce traitement simple, non invasif et sans effets indésirables :
Une méta-analyse, collectant les résultats de 421 patients au total, publiée en 2019, conclut que l’utilisation de champ électromagnétique pulsé améliore les fonctions physiques et les symptômes cliniques de l’arthrose7.
Une autre méta-étude, publiée en 2018 dans la revue BMJ8 , a démontré que les champs magnétiques pulsés étaient efficaces, en comparaison du groupe contrôle, en cas d’arthrose du genou et de la main pour
– diminuer les douleurs
– améliorer les troubles fonctionnels articulaires.

Même les méta-études les moins « convaincues » des effets des champs électromagnétiques pulsés sur l’arthrose sont forcées, après analyse statistique de 9 études, de reconnaitre l’effet du traitement sur la douleur9.

Et appellent à davantage d’études pour valider l’hypothèse selon laquelle les CEMP auraient des effets bénéfiques sur les fonctions physiques de l’articulation.

Car il faut le dire : aujourd’hui, des patients sont soulagés, tant en termes de douleurs que d’amplitude articulaire, grâce à ce traitement.
C’est le cas pour les 26 patients atteints d’arthrose du genou (sur une cohorte de 60) qui ont arrêté de prendre leurs antalgiques ou anti-inflammatoires non stéroïdiens après un mois de traitement comme le récapitule une étude italienne publiée dans la revue Rheumatology en 2016.

Pour le reste de la cohorte, les auteurs remarquent que la thérapie de champs électromagnétiques pulsés est efficace non seulement sur le traitement de la douleur, mais également sur le seuil même de douleur (la douleur se fait moins rapidement ressentir) et le fonctionnement physique de l’articulation.

C’est le cas aussi pour les patients d’une étude menée sur l’efficacité des champs électromagnétiques pulsés pour l’arthrose du genou, en double aveugle, randomisée et contre placebo : la rigidité de l’articulation et les douleurs sont amoindries grâce au traitement chez les personnes de moins de 65 ans, selon les résultats de l’étude11.

La méthodologie : c’est là que le bât blesse

La difficulté à laquelle tous les chercheurs sont confrontés et sur laquelle ils s’accordent presque tous, est que le protocole de champ électromagnétique pulsé doit être uniformisé pour que les résultats soient garantis en cas d’arthrose.

Pour ça, l’enjeu est de s’accorder sur

– la fréquence optimale des champs à utiliser ;
– la durée optimale d’exposition au champ ;
– la localisation (aujourd’hui les CEMP semblent plus efficaces sur le genou que les cervicales. Il faudrait comprendre pour quelles raisons il en est ainsi et si d’autres fréquences peuvent être efficace aussi pour de l’arthrose cervicale).

Ce sont donc d’autres études qui permettront d’élabore le protocole idéal, adapté à chaque type d’arthrose !

C’est là qu’on devrait mettre « le paquet » pour vraiment trouver comment soulager les personnes qui souffrent d’arthrose.

Un VRAI rôle dans la régénération du cartilage !

Aujourd’hui, certaines équipes pionnières l’ont bien compris et décrivent le processus à l’œuvre dans les thérapies utilisant les CEMP.

Voici les hypothèses qu’ont mis en lumière les auteurs d’une méta-étude parue en 201912 :
Les traitements à long terme de champs électromagnétiques pulsés auraient la capacité de stimuler la prolifération cellulaire et la synthèse d’ADN grâce à son action sur les canaux calciques ;

Les thérapies utilisant les CEMP stimuleraient la prolifération chez l’homme des cellules composant le cartilage (les chondrocytes), si on utilise la bonne fréquence d’ondes et la durée optimale ;
Les champs électromagnétiques pulsés pourraient également éviter que le cartilage ne se dégrade en inhibant le processus de destructions de ces chondrocytes ;

Les CEMP activeraient l’expression des récepteurs d’adénosine A2A et A3 (dont le rôle dans la formation et résorption de tissus osseux a été démontré13) et, de ce fait, réduirait la libération de cytokine pro-inflammatoire.
Autant de pistes, d’hypothèses et de résultats qui méritent d’être approfondis pour voir émerger un traitement efficace, simple et accessible à tous contre les arthroses.

Santé !

Pierre Jonville avec Gabriel Combris

 

Sources

1. https://presse.inserm.fr/des-pansements-pour-regenerer-les-articulations/34827/ ou Laetitia Keller , Quentin Wagner , Pascale Schwinté , Nadia Benkirane-Jessel, «Double compartmented and hybrid implant outfitted with well-organized 3D stem cells for osteochondral regenerative nanomedicine », Nanomedicine (Lond),2015;10(18):2833-45.doi: 10.2217/nnm.15.113. ou Keller, L., Pijnenburg, L., Idoux-Gillet, Y. et al. Preclinical safety study of a combined therapeutic bone wound dressing for osteoarticular regeneration. Nat Commun 10, 2156 (2019). https://doi.org/10.1038/s41467-019-10165-5
2. https://www.eurostemcell.org/fr/que-peut-traiter-avec-les-cellules-souches
3. What are some risks of stem cell therapies?. Nat Rep Stem Cells (2007). https://doi.org/10.1038/stemcells.2007.26
4. Meyer-Hermann, M. Estimation of the cancer risk induced by therapies targeting stem cell replication and treatment recommendations. Sci Rep 8, 11776 (2018). https://doi.org/10.1038/s41598-018-29967-6
5. https://presse.inserm.fr/des-pansements-pour-regenerer-les-articulations/34827/
6. Wu Z, Ding X, Lei G, et al. Efficacy and safety of the pulsed electromagnetic field in osteoarthritis: a meta-analysis. BMJ Open 2018;8:e022879. doi:10.1136/ bmjopen-2018-022879
7. Li Chen, Xin Duan, Fei Xing, Guoming Liu, Min Gong, Lang Li, Ran Chen, Zhou Xiang, « FFECTS OF PULSED ELECTROMAGNETIC FIELD THERAPY ON PAIN, STIFFNESS AND PHYSICAL FUNCTION IN PATIENTS WITH KNEE OSTEOARTHRITIS: A SYSTEMATIC REVIEW AND META-ANALYSIS OF RANDOMIZED CONTROLLED TRIALS », Rehabil Med 2019; 51: 821–827, doi: 10.2340/16501977-2613
8. Wu Z, Ding X, Lei G, et al. Efficacy and safety of the pulsed electromagnetic field in osteoarthritis: a meta-analysis. BMJ Open 2018;8:e022879. doi:10.1136/ bmjopen-2018-022879
9. Li S, Yu B, Zhou D, He C, Zhuo Q, Hulme JM. Electromagnetic fields for treating osteoarthritis. Cochrane Database of Systematic Reviews 2013, Issue 12. Art. No.: CD003523. DOI: 10.1002/14651858.CD003523.pub2.
10. Gian Luca Bagnato, Giovanni Miceli, Natale Marino, Davide Sciortino, Gian Filippo Bagnato, « Pulsed electromagnetic fields in knee osteoarthritis: a double blind, placebo-controlled, randomized clinical trial », Rheumatology, Volume 55, Issue 4, April 2016, Pages 755–762, https://doi.org/10.1093/rheumatology/kev426
11. G. Thamsborg M.D.y, A. Florescu M.D.y, P. Oturai M.D et al., « Treatment of knee osteoarthritis with pulsed electromagnetic fields: a randomized, double-blind, placebo-controlled study », OsteoArthritis and Cartilage (2005) 13, 575e581 doi:10.1016/j.joca.2005.02.012
12. T. Wang, et al., « Effects of electromagneticfields on osteoarthritis », Biomedicine & Pharmacotherapy 118 (2019) 109282, https://doi.org/10.1016/j.biopha.2019.109282