Chère lectrice, cher lecteur,

A première vue, en regardant cette image, on ne voit qu’un simple brocoli…

 

 

Un légume sympathique et bien coiffé, qui me rappelle le footballeur légendaire de Saint-Etienne, Robert Herbin, mais bon…c’est un avis très personnel.

 

 

Ce qui est sûr en revanche, c’est que notre légume propret cache très bien son jeu.

Parce que ce qui se passe à l’instant précis où vos dents croquent dans le brocoli, c’est une épopée aussi insoupçonnable que fantastique :

Une métamorphose silencieuse qui s’opère sans que vous vous en rendiez compte, et qui va transformer le brocoli en guerrier de la nutrition.

Faire de lui…le SUPERMAN vert !

Grand professeur et petit brocoli

C’est le professeur Paul Talalay, de l’Ecole de Médecine Johns Hopkins de Baltimore qui a fait cette découverte en 1992, en isolant le sulforaphane[1], un composé organosulfuré qui a montré depuis dans de nombreuses études, d’importants effets bénéfiques pour la santé :

  • Effet anti-inflammatoire,
  • Apport important en vitamine B9 (une vitamine qui fait souvent défaut dans l’alimentation),
  • Effet protecteur cardiovasculaire,
  • Effet antibactérien, avec un rôle intéressant des pousses de brocoli dans le traitement de la bactérie Helicobacter Pylori, responsable de la majorité des ulcères de l’estomac et de plus en plus résistante aux antibiotiques[2][3],
  • Et, surtout, un rôle anticancer, en particulier contre les cancers de la prostate, du côlon, du sein, du rein et des ovaires[4].

Et le plus sidérant est que tout se passe dans votre bouche, alors que vous mâchouillez tranquillement la tête de votre brocoli…

Pour se transformer, le brocoli a une seule exigence…

Le professeur Talalay a eu d’autant plus de mérite à découvrir le sulforaphane qu’il ne se trouve pas en tant que tel dans le brocoli.

C’est une molécule qui est produite seulement en cas d’agression extérieure. Dans la nature, elle est libérée quand le végétal est attaqué par une bactérie ou un parasite, par exemple.

Son rôle est d’empoisonner l’agresseur.

Et dans notre cas, l’agresseur, c’est la dent qui croque et déchire le brocoli.

Le sulforaphane est produit sous l’action du déchiquetage, qui met en contact une enzyme présente dans le brocoli, la myrosinase, avec un autre composé, la glucoraphanine, une molécule de la famille des glucosinolates [5].

On trouve des glucosinolates dans tous les légumes de la famille des crucifères, ce sont eux qui sont responsables de ce petit goût piquant qu’on retrouve par exemple dans la moutarde, la roquette, le radis, le chou, le raifort, etc.

Et le plus fascinant, c’est que ces substances qui à l’origine sont censées répondre à une agression extérieure se trouvent être bénéfiques pour l’homme…

Mais il faut pour cela respecter une condition sine qua non : ne PAS cuire notre brocoli à une température trop élevée.

Pourquoi il faut aussi éviter les surgelés

C’est un point essentiel, car l’enzyme à la source de la fabrication du sulforaphane, la myrosinase, est à la fois sensible à la chaleur et soluble dans l’eau.

Autrement dit, notre brocoli baignant dans une casserole d’eau bouillante aura perdu la quasi-totalité de sa capacité à produire du sulforaphane.

De même, les brocolis surgelés ne sont pas, d’après le professeur Talalay, de « bonnes sources de sulforaphane »[6], car ils ont perdu la majorité de leurs enzymes à cause du processus de blanchiment (passage rapide dans de l’eau bouillante avant congélation).

Avec le brocoli, Il faut donc privilégier une cuisson à la vapeur douce (pas plus de 90°C), avec du jus de citron et de l’huile bio pour en optimiser les effets.

Ou idéalement consommer des jeunes pousses, qui ont des taux de sulforaphane particulièrement élevés.

Il existe sur internet de nombreux tutoriels montrant comment faire ses propres jeunes pousses maison, ce qui en plus est très amusant à faire : (https://www.youtube.com/watch?v=r_FnAkyNWm0)

Bon pour la respiration cellulaire

J’ajoute qu’une étude récente, parue dans la revue Cell Metabolism, a montré que le brocoli pourrait également contribuer à ralentir efficacement le vieillissement cellulaire[7].

Cette fois, c’est une substance appelée le NMN, pour nicotinamide mononucléotide, qui expliquerait cette vertu.

Cette molécule organique entre dans la production d’une autre molécule, le NAD, essentielle à une bonne respiration cellulaire, le processus au cours duquel les cellules transforment les nutriments en énergie.

Or avec l’âge, la quantité de NAD diminue dans l’organisme : les cellules n’arrivent plus à produire suffisamment d’énergie pour fonctionner, et meurent.

Ce phénomène serait à l’origine du vieillissement et de nombreuses maladies liées à l’âge comme le diabète, la prise de poids ou encore l’atrophie musculaire.

Ce qui vous donne une autre excellente raison de mordre à pleines dents dans un délicieux brocoli…

Petit légume, immenses questions…

Maintenant vous allez peut-être me traiter de rêveur, mais je trouve que ce légume qui ne paye pas de mine en a bien plus « sous le capot » qu’on pourrait l’imaginer, lui qui nous donne en plus de sa saveur et de ses bienfaits pour la santé, matière à une grande méditation :

Car est-il vraiment possible que tout ceci ne soit que le fruit du hasard ?

Est-il possible qu’en croquant dans un simple brocoli, on enclenche par hasard un processus de défense du vivant aussi fantastique ?

Ou y a-t-il autre chose derrière ces mécanismes de vie si bien pensés, si méticuleusement organisés ?

Petit légume, grandes questions, fascinantes découvertes…C’est le voyage pas banal que nous propose le brocoli du jardin, alias le « superman vert ».

Santé !

Gabriel Combris

 

Sources :

[1] https://www.freshplaza.fr/article/9086448/un-scientifique-a-trouve-un-moyen-de-prevenir-le-cancer-avec-des-pousses-de-brocoli/

[2] Galan MV, Kishan AA, Silverman AL. Oral broccoli sprouts for the treatment of Helicobacter pylori infection: a preliminary report. Dig Dis Sci. 2004 Aug;49(7-8):1088-90.

[3] Yanaka A. Role of Sulforaphane in Protection of Gastrointestinal Tract Against H. pylori and NSAID-Induced Oxidative Stress. Curr Pharm Des. 2017;23(27):4066-4075. 

[4] Bayat Mokhtari R, Baluch N, Homayouni TS, Morgatskaya E, Kumar S, Kazemi P, Yeger H. The role of Sulforaphane in cancer chemoprevention and health benefits: a mini-review. J Cell Commun Signal. 2017 Jul 23.

[5] https://www.julienvenesson.fr/comment-optimiser-les-effets-anticancer-du-brocoli/

[6] https://www.nutranews.org/fr–cancer–a-le-brocoli-stimule-nos-genes-anticancer-a–105

[7] Mills KF, Yoshida S, Stein LR, Grozio A, Kubota S, Sasaki Y, Redpath P, Migaud ME, Apte RS, Uchida K, Yoshino J, Imai S. Long-term administration of nicotinamide mononucleotide mitigates age-associated physiological decline in mice. Cell Metabolism. Oct. 27, 2016.