Il y a des époques qui rougissent, où on voit des peuples en colère réciter les slogans rageurs de méchants apprentis sorciers. On réclame des têtes, des piques, on désigne des coupables, et ça finit toujours…par mal finir.

D’autres périodes, elles, blanchissent. Complet veston, discrétion assurée, compte numéroté, « nous sommes entre gens de bonne compagnie, non ? ». A voir…

Quant à notre époque, je pense que vous serez d’accord pour dire qu’elle verdit.

Tout y est durable, écologique, circulaire et recyclable.

Y compris bien sûr les politiciens, qui se mettent à pleurer sur le sort du climat et des kangourous, y compris les grands groupes industriels, pour qui rien ne compte plus désormais que la défense de l’environnement, y compris les jeunes start-upers qui veulent « changer le monde » – après vous avoir demandé votre numéro de carte bleue.

Vous voyez le genre :

Que faut-il en penser ?

Sont-ils sincères, tous ces nouveaux militants de l’urgence écologique, ou peut-on légitimement avoir quelques doutes.

En d’autres termes, le vert est-il plein – plein de promesses, d’enthousiasme, de sincérité et d’avenir – ou à moitié vide ?

Le vert est -il plein ?

Pour essayer de répondre à cette question difficile, je vous propose une réflexion lumineuse du grand herbaliste Pierre Lieutaghi, dans son livre « L’environnement végétal », paru…il y a presque un demi-siècle !!! Rarement une vision m’a-t-elle semblée aussi prophétique.

Avec cinquante ans d’avance, il dessinait avec précision la frontière entre mensonge et sincérité au sujet de l’écologie véritable. Celle qui unit la Nature au corps et à l’esprit de l’Homme.

Car le respect de la nature, c’est d’abord le respect de l’homme, dit Lieuthaghi :

« On ne respecte pas l’homme quand on le voit avant tout comme un producteur et un consommateur de biens matériels. Il vaut davantage. »

« On ne respecte pas le paysan, ce maître fait valet, quand on détruit sa récolte au nom d’un équilibre de marchés où les trois quarts du monde sont exclus. »

« On ne respecte pas l’ouvrier qui fabrique des objets dont la seule vertu est de pouvoir être jetés.

« Qu’espère-t-on édifier de juste dans l’injuste ? »

Rien.

Voilà pourquoi la nature attend en fait un nouvel homme, un constructeur et non un producteur, un utilisateur éclairé, non un consommateur avide.

Elle nous attend chacun d’entre nous, et ne nous autorise pas à déléguer sa gestion à ceux qui auraient revêtu par opportunisme un joli déguisement vert.

« Détruire une forêt, saccager un paysage rural équilibré, défigurer un site, polluer un fleuve, l’air d’une ville ou d’une vallée, épuiser les sols, anéantir des espèces animales et végétales, ne sont pas là des « crimes majeurs, assassinat de l’homme futur par nature interposé ? » demande Lieutaghi.

On connaît pourtant les coupables depuis des décennies ; mais qui les condamne ?

Aujourd’hui encore on tergiverse sur les pesticides, les perturbateurs endocriniens, la déforestation ou l’urbanisation folle.

On plante des éoliennes partout, on saccage l’horizon, on défigure la nature, on rajoute des ondes sur les ondes, la 3G, la 4 G, la 5 G, Linky ou Gazpar, et on baliverne que tout ceci est écologique.

Le mensonge est repeint en vert, mais il reste un mensonge.

Et les mots de Lieutaghi claquent 50 ans plus tard avec encore plus de violence, tant le chemin parcouru semble minime par rapport à celui qui aurait dû être fait.

Mais le progrès, vous en faites quoi ?

Là, je m’attends à une objection :

Mais enfin, Combris, c’est tout de même le progrès qui fait avancer l’homme !  

Le progrès, voilà un mot qui nous est cher.

Mais le serait-il autant, demande Lieutaghi, « si vous le saviez tissé, non seulement des victoires de l’esprit, mais aussi de toutes les défaites de la vie depuis l’aube des temps humains ? »

Il est en effet bien relatif, ce progrès, si on tient compte de la seule évolution des rapports entre les hommes

« A la fin de l’année 56, pour réduire à l’asservissement les Ménapes et les Morins, peuple des Flandres, César entreprit d’abattre les bois et en vint à bout rapidement. Les Romains ne prirent leurs quartiers d’hiver qu’en laissant toute ces campagnes ravagées. »

« En 1972, dans la péninsule indochinoise, l’aviation américaine déboise dans la même intention, mais avec un bien meilleur rendement, en déversant des milliers de tonnes de défoliants aussi nocifs pour la végétation que pour l’homme. »

La technique progresse, oui…mais pour quoi faire ? Toujours le même saccage ?

Le choix difficile que nous devons faire (chacun d’entre nous)

Evidemment, vous pouvez me juger bien négatif, alors qu’une incontestable prise de conscience écologique traverse le monde occidental.

C’est évidemment un mieux. Et puis Rome ne s’est pas faite en un jour.

Mais là-encore, rappelons les mots du « prophète » Lieutaghi :

« Il ne sert à rien d’ajouter quelques gouttes de « conscience écologique » dans une sauce déjà accommodée par le festin de la consommation »

Car la seule vérité, ajoute-t-il, est « que le salut réside dans le refus des systèmes d’exploitation de l’homme et du monde ».

La nature attend ses révolutionnaires. Mais ils auront peine à faire entendre leur voix, car contrairement à la plupart de celles qui résonnèrent dans les siècles, elle n’appellera pas à vouloir davantage, mais à être davantage.

Ces défenseurs lucides seront considérés comme des gêneurs, des naïfs.

Les uns les traiteront de réactionnaires, les autres de redoutables anarchistes.

Et sinon, concrètement ?

Alors, que faire ?

D’abord, soutenir, en s’impliquant personnellement quand on le peut, les initiatives sincères pour un monde réellement plus écologique, apaisé et fraternel. Si vous en connaissez autour de vous, partagez-les en commentaire de cette lettre, c’est à cela (aussi) qu’elle sert.

Ensuite, cesser de vivre sur l’ordre des choses inutiles, apprendre à déceler les pollutions les plus insidieuses – les pesticides bien sûr, mais aussi le vacarme intérieur, la parole qui blesse, la rumeur ou des « idées moches » qui tournent dans nos têtes.

Lieutaghi le résume d’une phrase sans appel :

« Aussi longtemps que le quantitatif restera le dénominateur commun de tous nos actes, il sera inutile de parler de restauration de la nature ».

Alors, le « jeûne de consommation » – ce que l’agriculteur Pierre Rahbi appelle la « sobriété heureuse » -, peut-il être une réponse au toujours plus que réclame notre société : plus de croissance, d’efficacité, de productivité, de compétition ?

Pourquoi pas ? Après tout, on connaît les bienfaits du jeûne, ce nettoyage par le vide :

Les études récentes soulignent son efficacité contre l’hypertension artérielle, le diabète de type 2, montrent qu’il peut inverser les douleurs chroniques, celles de l’arthrose ou de la polyarthrite rhumatoïde, qu’il est utile contre la fibromyalgie, la baisse de moral, les maladies digestives, le surpoids et qu’il améliore également la qualité du sommeil.

Alors retrouver (un peu) le goût de la privation, de la rareté des choses, pour rallumer la pleine conscience de vivre ? Ce n’est peut-être pas aussi idiot que ça en a l’air.

Cela demande d’aller chercher dans la relation à l’autre, dans des amitiés sincères, dans des rapports de chair et d’os et un mode de vie sain, la plénitude que la consommation ne peut pas offrir.

Cela demande, il me semble, d’« oser le silence », ce silence qui offre une saisissante contradiction dans notre monde affairé, bruyant et tourmenté.

Vous pouvez en faire l’expérience… tout de suite…

…Fermez les yeux et imaginez que vous êtes dans un bois, seul, sous de grands hêtres, des chênes, des charmes ou des trembles, tous ces arbres dont les feuilles bruissent doucement avec le souffle du vent.

…Quelques cris d’oiseaux, quelques craquements d’écorce et bientôt, plus rien qui perturbe le silence.

Et pourtant…ce n’est pas un silence « de mort », un vide lugubre, un de ces instants angoissants où la vie semble avoir été « aspirée ».

C’est en réalité la manifestation de la plus intense des présences. La présence à soi-même

Le silence, c’est le démarrage de la vie : 

« Un arbre pousse dans le silence, et les sources d’eaux coulent d’abord dans le silence de la terre. Le soleil qui se lève nous réchauffe en silence, étincelant et grandiose. L’extraordinaire est toujours silencieux ».

Et, puis pour finir, tant pis si on répète toujours la même chose.

« Les fleurs aussi répètent la même chose : d’abord la vie, d’abord la vie, d’abord la vie. On n’écoute pas assez les prairies. A chaque pas, les plantes nous rappellent l’essentiel : l’être, la beauté. Puissent-elles entretenir en nous toujours le goût d’un monde où l’on peut sourire, où le mot « joie » reste le mot clé, conclut Pierre Lieutaghi

Il faut tout simplement, encore et toujours, remettre les deux mains dans la vie, dans la terre.

Sentir, toucher, ramasser, planter…faire grandir les « simples » : la sauge, la bourrache, le plantain, la mélisse ou l’achillée millefeuille.

Car celui qui plante…plante PLUS GRAND QUE LUI !!!

Il plante aussi pour les abeilles, les oiseaux, pour le plaisir de celui qui passe et qui sourit devant cette beauté qui s’expose.

Et finalement, peu importe qu’on attribue au hasard ou à une volonté créatrice le visage infiniment varié des corolles…

…Car dans le fond, les fleurs, les plantes, ne sont pour nous qu’un fabuleux prétexte à aimer.

C’est cette idée « révolutionnaire » nous vous faisons découvrir dans un programme autour plantes médicinales, le projet Plantissime.

C’est notre petite contribution, j’espère que vous y serez sensible, et j’attends de mon côté de découvrir les vôtres, les initiatives dont vous pensez qu’elles améliorent le bien commun, en commentaire de cette lettre.

Et si vous avez l’occasion, dans une vieille librairie, dans un vide-grenier, de tomber sur un livre de Pierre Lieutaghi, achetez-le sans discuter le prix, vous aurez dans les mains un merveilleux trésor.

De ceux qu’on trouve dans le cœur des poètes.

 

Santé !

Gabriel Combris

 

Sources

[1] Goldhamer A.C., Lisle D.J., Sultana P., Anderson S.V., Parpia B., Hughes B., Campbell T.C. « Medically supervised water-only fasting in the treatment of borderline hypertension ». J. Altern. Complement Med., 2002, 8 : 643-650.

[2] https://medicalxpress.com/news/2017-02-fasting-mimicking-diet-reverse-diabetes.html

[3] Schmidt S., Stange R., Lischka E., Kiehntopf M., Deufel T., Loth D., Uhlemann C. « Uncontrolled clinical study of the efficacy of ambulant fasting in patients with osteoarthritis ». Forsch. Komplementmed., 2010,17 : 87-94

[4] Müller H., Wilhelmi de Toledo F., Resch K.L. « Fasting followed by vegetarian diet in patients with rheumatoid arthritis : a systematic review ». Scand. J. Rheumatol., 2001, 30 :1-10

[5] https://www.passeportsante.net/fr/Therapies/Guide/Fiche.aspx?doc=jeune_th

[6] Cardinal Robert Sarah, la force du silence.