Chère lectrice, cher lecteur,

On connaît aujourd’hui assez précisément le mode de vie des célèbres centenaires d’Okinawa, île du Japon réputée pour concentrer le plus de centenaires au monde, juste devant la Sardaigne.

On sait notamment que le régime alimentaire d’Okinawa contient 40 % de calories de moins que celui qui a cours aux Etats-Unis, et que les habitants y pratiquent la coutume du hara hachi bu, ce qui signifie « ne manger que jusqu’à être 80 % plein ».

On connaît aussi les habitudes sportives et sociales des centenaires d’Okinawa1.

Mais ce que l’on sait moins est que leurs analyses sanguines montrent certaines concentrations hormonales bien particulières.

Quelque chose va mal ? Excellente nouvelle !

C’est notamment le cas avec la DHEA, une hormone que l’on considère comme un excellent marqueur du vieillissement (elle décline avec l’âge), et qui est 25 % plus élevée chez les habitants d’Okinawa que chez un américain du même âge.

La DHEA est l’hormone stéroïdienne la plus abondante dans le corps humain, sous forme de sulfate de DHEA (la DHEA est liée à une molécule de sulfate).

Après avoir atteint un pic au début de l’âge adulte, le niveau de DHEA subit une diminution telle qu’à 70 ans, il ne représente plus que 10% à 20% du taux d’un jeune adulte.

La DHEA est surtout l’élément de base de la production d’autres hormones, par exemple les œstrogènes et la testostérone.

Ce qui a conduit des chercheurs à faire l’hypothèse qu’une supplémentation en DHEA pourrait ralentir certains changements caractéristiques du vieillissement dans les os, les muscles et le fonctionnement physique.

Lorsque furent publiés les premiers travaux sur la DHEA, au milieu des années 90, un certain emballement accompagna les résultats et l’hormone fut un peu rapidement surnommée la  « pilule de Jouvence », voire d’« éternité ».

Evidemment, la réalité était plus subtile, et c’est le professeur Emile-Etienne Baulieu, un des grands spécialistes du sujet, qui allait résumer le rôle indispensable de la DHEA :

« Beaucoup ont supposé qu’en prenant de la DHEA, ils resteraient jeunes. »

« En fait, si l’état de santé est normal, moyen, ça n’a aucun effet. En revanche ce type d’hormone agit quand quelque chose va mal. »

Et elle agit alors avec une grande efficacité : les études les plus récentes confirment que la DHEA améliore non seulement la densité minérale osseuse générale chez l’homme et la femme, mais surtout la densité minérale osseuse de la colonne vertébrale, ainsi que la concentration et la mémoire chez la femme2.

Et ce n’est pas tout.

Trésor antiâge multicartes

Dans une étude, l’administration de 50 mg de DHEA à deux cent quatre-vingts participants durant une année permet également une amélioration de la qualité de la peau (hydratation, épaisseur, sébum, pigmentation), de la libido3, ainsi qu’une sensation de bien-être physique et psychologique4.

D’autres études ont montré que la DHEA, comme la testostérone, contribuaient à ralentir l’apparition de la « résistance à l’insuline », cause d’obésité et souvent annonciatrice de diabète de type II (non-insulinodépendant).

La DHEA réduit aussi les risques cardiovasculaires précoces qui sont souvent associés à cette résistance à l’insuline : une étude a notamment montré que les hommes qui ont des taux de sulfate de DHEA en dessous de 140 mg/dl (le taux moyen autour de 60 ans) ont 2,5 fois plus de risques de mourir d’une maladie cardio-vasculaire (presque toutes sont dues à l’athérosclérose) que les hommes qui ont des taux au-dessus de ce seuil56.

Chez certains patients, des bénéfices réels sont obtenus avec une dose de 10 à 25 mg par jour, d’autres n’auront de résultats positifs et palpables qu’à partir de 50 voire 100 mg, par période de 24 heures.

La DHEA… dès 30 ans !

Pour le Pr. Baulieu, « un des effets les plus importants de la DHEA n’a pas encore reçu de la part de la communauté médicale un intérêt suffisant.

« La DHEA agit sur les récepteurs des neurotransmetteurs. Il existe des travaux très encourageants sur la sensation de bien-être et l’amélioration de la mémoire. »

C’est une des raisons, avec l’influence positive d’un taux élevé de la DHEA sur la fatigue et le stress, pour lesquelles il peut être utile de faire mesurer son taux de DHEA à un âge relativement jeune.

On note en effet qu’une augmentation du rapport cortisol/DHEA est souvent le marqueur d’un stress important.

Ajuster son taux de DHEA, même lorsqu’on a moins de 40 ans, est alors une excellente stratégie pour augmenter sa résistance au stress.

Pour ce qui est de la sécurité d’utilisation, des études conduites pendant plus d’un an sur des centaines de volontaires n’ont pu déceler aucune conséquence négative de la prise de DHEA à des doses de 25 mg et 50 mg par jour – par contre des effets bénéfiques ont bien été constatés à partir de doses de 5 mg par jour.

Le seul risque connu concerne l’interaction médicamenteuse, démontrée dans deux cas : les femmes prenant un antiœstrogène ou des hommes traités pour le cancer de la prostate avec un agent bloquant de la testostérone.

Voilà pour finir ce qu’écrivait le Yearbook of Endocrinology, publication qui relate les avancées de l’année en diagnostic et thérapie hormonale : « Lorsque le professeur Emile-Etienne Beaulieu parle, le monde entier écoute ».

Reste à savoir s’il entend…

Mais pour ceux qui ont les oreilles (grandes) ouvertes, voici quelques conseils pratiques.

Conseils pratiques avec la DHEA

Vous pouvez augmenter votre taux de DHEA en consommant plus d’aliments riches en protéines (viande, poisson, œufs, volaille).

A l’inverse, vous diminuez votre taux de DHEA en mangeant des aliments riches en glucides (sucre, sodas, céréales, etc.)

Dans leur livre « DHEA, l’hormone du mieux vivre »7, les Dr. Hertoghe et Nabet notent un point intéressant au sujet des céréales complètes, qu’ils proscrivent :

« Normalement, la DHEA est sécrétée dans l’intestin mélangée à la bile. »

« Dans des conditions normales, elle est réabsorbée plus loin dans l’intestin et de nouveau utilisée comme hormone. »

« Lorsque des fibres de céréales se retrouvent dans les intestins, elles se lient à la DHEA intestinale, la fixent de manière presque irréversible, et comme les fibres ne sont pas digestibles, elles emportent la DHEA fixée dans les selles, empêchant sa réabsorption et sa réutilisation ».

Autre point intéressant : une étude (sur des rongeurs) a montré que des rats qui subissaient une carence en vitamine E voyait la DHEA disparaître de leur urine. En cas de déficience, on peut compenser avec la prise de 400 Mg de vitamine E par jour.

Enfin, il faut savoir que la DHEA réclame un peu de patience pour délivrer ses effets bénéfiques.

Les auteurs notent le cas d’un traitement sur des hommes âgés souffrant de dysfonction érectile, où 4 à 6 mois de prise journalière de 50 mg de DHEA sont nécessaires avant d’obtenir une nette amélioration des érections.

Santé !

Gabriel Combris.

PS. Sur ce sujet de la prévention anti-âge, je ne résiste pas à la tentation de vous redonner les conseils du noble vénitien Luigi Cornaro (mort en 1566 à 102 ans), qui n’ont pas pris une ride :

Médecine anti-âge d’hier…et de demain ?

«  D’abord, j’ai décidé de vérifier si tout ce qui satisfaisait mon palais était également bon pour mon estomac, et j’ai constaté très vite que mon estomac supportait mal de nombreux aliments succulents.

« J’ai donc commencé à renoncer aux viandes et aux vins qui m’étaient nuisibles et je choisissais plutôt ce que je jugeais bon pour moi, ne prenant que ce que je pourrais digérer facilement tout en respectant rigoureusement aussi bien la quantité que la qualité. »

« Aussi, je faisais en sorte de ne jamais me sentir complètement rassasié et de me lever toujours de la table avec la sensation de pouvoir encore manger et boire. »

« Ayant vaincu l’intempérance de cette manière, j’adoptais complètement une vie modérée et réglée, c’est pour cela qu’en moins d’un an j’ai été libéré de tous mes problèmes de santé qui, auparavant, semblaient incurables »

«  Il est vrai qu’en plus de ces règles alimentaires que j’ai scrupuleusement respectées, j’ai également évité autant que possible les excès de chaleur et de froid, la grande fatigue, la perturbation de mes habituelles heures de repos et les endroits manquant d’air. »

« De même, j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour éviter d’avoir des sentiments qui sont difficiles à vaincre tels que la mélancolie, la haine, ces émotions violentes qui semblent avoir grande influence sur notre corps. »8

Aujourd’hui la science ne fait que confirmer la justesse de cette approche, où santé du corps, de l’âme et de l’esprit ne font qu’un.

C’est ce qu’on appelle la médecine holistique ou globale, et je crois qu’en dépit des bâtons qu’on lui met dans les roues, elle a de (très) beaux jours devant elle !

 

 

 

Sources :

[1] www.okicent.org/study.html

[2] Dr Astrid Stuckelberge. Le Guide des médecines anti-âge, Favre.

[3] Nordmark G, Bengtsson C, Larsson A, Karlsson FA, Sturfelt G, Rönnblom L. Effects of dehydroepiandrosterone supplement on health-related quality of life in glucocorticoid treated female patients with systemic lupus erythematosus. Autoimmunity. 2005 Nov;38(7):531-40

[4] Dr Astrid Stuckelberge. Id.

[5] Barrett-Connor E, Khaw KT, Yen SS. A prospective study of dehydroepiandrosterone sulfate, mortality, and cardiovascular disease. N Engl J Med. 1986 Dec 11;315(24):1519-24

[6] Feldman HA, Johannes CB, McKinlay JB, Longcope C. Low dehydroepiandrosterone sulfate and heart disease in middle-aged men: cross-sectional results from the Massachusetts Male Aging Study. Ann Epidemiol. 1998 May;8(4):217-28

[7]  « Dr Thierry Hertoghe et Dr Jules-Jacques Nabet, « DHEA, l’hormone du mieux vivre », Presses du Chatelet