Chère lectrice, cher lecteur,

Il paraît que nous allons bientôt entrer en concurrence avec les robots, et que le match va être saignant.

Certains experts ont identifié les futurs perdants du monde qui arrive : les personnes avec moins de 150 de QI (quotient intellectuel), qui d’après eux, ne « serviront plus à rien ! » dans un monde de technologie omniprésente.1 2

Leur vision du futur est simple, il sera partagé entre les « Dieux », maîtres des intelligences artificielles, et les autres, les « Inutiles », des êtres intellectuellement inférieurs et incapables de maîtriser ces nouveaux enjeux.3

Mais alors, question : dans le groupe des moins de 150 de QI (auquel j’appartiens, vous vous en doutez)…on fait quoi ?

On se dit « Joyeux Noël » vite fait, tchin-tchin déprime et au lit ?

Ou au contraire, on parie que les petits génies du transhumanisme qui nous annoncent la catastrophe…se trompent sur toute la ligne, comme ils font si bien d’habitude ?

Que leur histoire de robots qui vont nous piquer la place, c’est « pépé joue de la flûte » : pipeau sur toute la ligne.

Vous n’êtes pas d’accord ! Bonne nouvelle

Car moi je crois que c’est l’inverse qui va se produire.

C’est la simplicité qui sauvera le monde. On l’a rarement aussi vivement senti que ces derniers temps.

Personnellement je ne suis pas un robot, pas une intelligence artificielle, c’est vrai. Je me trompe régulièrement, je commets des erreurs, des approximations, je donne des avis qui sont simplement mes avis, et non la synthèse mathématique des avis qu’un algorithme (système de calcul) aura déterminé que vous voudriez lire.

Si vous lisez ma lettre de temps en temps, il doit vous arriver d’être en désaccord, parfois agacé même.

Vous savez quoi : « bonne nouvelle ! ».

C’est que vous et moi, nous sommes bien en vie. Pas juste des amas de cellules, mais des êtres complexes faits de corps et d’esprit, dont les décisions ne sont pas toujours rationnelles et fondées sur leur seul intérêt.

L’être humain est approximatif par nature.

Et c’est aussi parce qu’il commet des erreurs qu’il fait parfois des découvertes sensationnelles. Il y a même un mot pour désigner ce phénomène : la « sérendipité »4, et on peut en résumer le sens ainsi : « c’est quand on ne cherche pas qu’on trouve ».

L’iode, la pénicilline, le téléphone, le velcro, furent découverts par hasard par des gens qui ne les cherchaient pas du tout.

Les robots, eux, ne sont pas approximatifs. Ils sont programmés pour ne pas se tromper, pour aller là où ils doivent aller et ne pas dévier de leur route.

Mieux ils seront programmés, plus ils seront puissants, plus le risque d’erreur sera faible, voire nul.

Et on voit bien là une première question à poser à nos grands gourous de la technologie : à suivre les routes toutes tracées, à ne jamais commettre d’erreur, à côté de combien de découvertes essentielles nos robots vont-ils passer ?

Les « inutiles » ont peut-être aussi leurs vertus, après tout…

Et tiens, il suffit d’ailleurs de se pencher au-dessus d’une fourmilière pour observer un curieux manège.

Il y a au sein de la colonie de fourmis certaines d’entre elles qui ne font strictement rien. Dans la série « Inutiles », elles sont médailles d’or.

Et c’est même pire : elles nuisent.

Elles se mettent au travers de la route des autres, elles les empêchent de circuler, de travailler, elles ne lèveront jamais la patte pour donner un coup de main (elle est bonne, celle-là, non ?).

Inutiles ET gênantes…

En observant cela, on se dit que ces fourmis correspondent à peu près à ce que nous appelons chez nous des hommes politiques, et qu’un vent de révolte façon « gilets jaunes » doit animer la masse laborieuse de la fourmilière contre ces incapables et ces « profiteuses ».

Eh non…La nature est d’un raffinement bien plus subtil.

Ces fourmis qui ne font rien, qui gênent les autres, ne sont pas là par hasard : par leur conduite, elles obligent les « travailleuses » à mieux travailler encore, à imaginer des solutions de contournement lorsqu’elles leur barrent le passage, à avoir des « idées » nouvelles, à créer, à découvrir, à inventer.

Car c’est dans la contrainte que s’exerce véritablement le génie.

Les « Inutiles », chez les fourmis, ont leur rôle dans ce jaillissement d’idées.

Des inutiles qui servent à quelque chose ?? Tiens tiens…c’est drôle non ?

Tout n’est peut-être pas aussi binaire qu’on voudrait nous le dire…

Maintenant j’aimerais poser une question un peu plus personnelle à nos grands « transhumanistes »: sont-ils déjà allés à Lourdes, Hautes Pyrénées ?

Dans cette ville où tout s’achète et se vend, l’espoir, le miracle, la souffrance, on croise également l’authentique humanité, celle qui intègre aussi les fragiles, les cabossés, les malades, les « bas de plafond », pour composer un tout.

A Lourdes, les éclopés, les souffrants, les diminués, les tous petits, les ratés et les moches sont comme nulle part ailleurs des hommes de plein droit.

Car de la même façon que le jour n’existe que parce qu’il se compare à la nuit, l’utile n’est rien sans l’inutile.

Il y a ce qu’on compte, et il y a ce qui compte.

Ce sont les deux versants d’une même pièce, la vie, où il est folie de croire que l’on sera toujours dans le même camp : celui des valides, des forts et des gagnants.

Les « Inutiles » sur lesquels s’apitoient les transhumanistes, voyons-les au contraire comme les messagers de l’essentiel, ceux qui rappellent aux autres que nous ne sommes jamais que des passagers sur cette terre, tous frères en humanité.

Des cerveaux plus intelligents : et alors ?

Aujourd’hui notre monde déborde de puissance de calcul. Il y a des tonnes de gens intelligents. Davantage de doctorats, plus de brevets, plus de groupe de réflexion…

Plus de cellules grises que jamais qui s’appliquent à résoudre les défis cruciaux de notre époque.

Et alors ?

Est-ce que nous sommes plus heureux ? Est-ce que le monde est meilleur ? Est-ce qu’il est plus beau ?

Nous allons plus vite, plus loin, plus fort. Bientôt on habitera sur Mars. On pourra prendre un crédit sur 150 ans puisqu’il paraît qu’on en vivra 200.

Fabuleux.

Mais regardez les ravages que cet esprit de performance et de compétition fait tous les jours dans notre société : rien qu’en France, 15 millions de boîtes d’antidépresseurs sont prescrites chaque année5, près de 4 français sur 10 déclarent avoir déjà fait un « burn-out », etc.

Qui peut sérieusement prétendre que la dépression, le stress, le mal-être, ne découlent pas en grande partie de cette vision strictement utilitaire de la vie que défendent nos chers « transhumanistes », les promoteurs de « l’humain augmenté ».

Le problème, ce n’est pas que nos cerveaux sont trop petits… en fait, avec toute cette puissance de calcul supplémentaire… il se pourrait que nous ayons un trop-plein d’intelligence.

Le problème, c’est que ce sont nos coeurs qui ne peuvent plus suivre.

Alors je propose qu’on se détende.

« Que les robots prennent le dessus » si ça leur chante.

Laissons-les conduire des voitures, piloter des avions, passer l’aspirateur, faire le ménage, la cuisine et la vaisselle, et quand ils ne le verront pas venir, bottons-leur le c…d’un coup de pied sensationnel !

Car nul robot ne pourra jamais écrire l’histoire d’un monde plus juste.

Et aucune intelligence artificielle, si puissante soit-elle, ne donnera autant d’espoir aux hommes que l’a fait un enfant nu, né en Galilée il y a plus de 2000 ans, et que veillèrent tranquillement un âne et un bœuf.

Joyeux Noël,

Gabriel Combris


Sources :

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