Chère lectrice, cher lecteur,

faut il manger bio ?

Osons un parallèle : les mannequins des magazines, visages lisses, corps trafiqués, sourires inexistants, perfection factice, ressemblent à s’y méprendre aux…légumes des supermarchés :

faut il manger bio ?

Eux aussi sont « tout beau tout propre », rien qui dépasse, une belle couleur éclatante, mais là non plus rien de vrai, d’authentique, rien de vivant.  

Uniquement de « la calorie vide ! » pour reprendre l’expression du chercheur américain Brian Halweil, du Worldwatch Institute.

C’est vrai pour l’oignon, pour le brocoli, pour des dizaines d’autres fruits, légumes, viandes, qui ont depuis des années perdu presque tout nutriment. 

Tout s’est passé sans qu’on n’y voit rien, en sous-sol.

Lorsque les industriels de l’agro-alimentaire ont cherché à tirer le maximum de rentabilité du sol.

Négation du vivant

Comme ils l’ont fait avec les machines, comme ils l’ont fait avec les hommes, ils l’ont fait avec la terre. 

Ils l’ont asphyxiée massivement d’azote, de phosphore, d’engrais, pour la faire « cracher ».

Un déluge de pesticides a contaminé les sols et détruit la vie microbienne.

Rendez-vous compte !

Dans un sol « sain», une simple cuillère à café de terre contient plus de micro-organismes vivants qu’il n’y a d’humains sur la planète !

« Parmi ces micro-organismes, il y a plus d’un million d’espèces différentes de bactéries, 100 000 espèces de champignons, 1000 espèces d’invertébrés (acariens, collemboles, nématodes, etc.).

« Il y a aussi les rois de royaume souterrain, les vers de terre, principaux acteurs de la fertilité des sols. Un sol sain compte une douzaine d’individus par mètre cube. Ce microcosme aère le sol, décompose les résidus des végétaux et les transforme en matière organique de nouveau assimilable par les plantes. »[1]

Mais avec le développement de l’agriculture intensive, le sol a commencé à être traité comme un objet et non plus comme un être vivant dont il faut prendre soin.

Les aliments se sont appauvris un peu plus chaque année.

Jusqu’à en mourir, ou presque.

« Les teneurs en vitamines A et C, protéines, phosphore, calcium, fer et autres minéraux ou oligo-éléments ont été divisées par 25, voire par 100, en un demi-siècle » explique ainsi le Dr.Dominique Rueff, spécialiste en nutrition[2].

Des aliments dont la qualité nutritionnelle a été divisée par 100 !!!

Cela paraît insensé ?

Nous avons déjà évoqué dans cette lettre le cas emblématique de la pomme.

« Hier, quand nos grands-parents croquaient dans une transparente de Croncels, ils avalaient 400 mg de vitamine C, indispensable à la fabrication et à la réparation de la peau et des os. »

« Aujourdhui, les supermarchés nous proposent des bacs de Golden standardisées, qui ne nous apportent que 4 mg de vitamine » [3]

De son côté, la vitamine A est en chute libre dans 17 des 25 fruits et légumes scrutés par des chercheurs canadiens dans une étude !

Le déclin est absolu pour la pomme de terre et l’oignon qui, n’en contiennent plus le moindre gramme.

Il y a un demi-siècle, une seule orange couvrait la quasi-totalité de nos besoins quotidiens en vitamine A. Aujourd’hui il faudrait en manger 21 pour arriver au même résultat.

Ce seul chiffre, je crois, nous rappelle que nous avons depuis beaucoup trop longtemps dépassé les limites de la négation de la nature.

Mais le mouvement de balancier peut aussi se faire dans l’autre sens.

Car les choses sont en train de changer.

Continuez votre lecture…Voici les bonnes nouvelles !!

Chaque jour en France, un agriculteur décide de « passer au bio ».

Des journées de « conversion au bio » sont régulièrement organisées.

Chaque jour dans les médias, on peut lire le témoignage de ces hommes et femmes qui retrouvent le sens de leur magnifique métier, « nourrir les hommes », et qui parviennent souvent à en vivre mieux qu’avant leur conversion. 

Rien n’est facile évidemment, mais cette démarche témoigne d’une profonde révolution des esprits.

Un seul exemple, celui de Philippe Munnier, agriculteur à Rioz (Haute Saône), qui s’est engagé dans le bio il y a quatre ans. Ses mots sont sans appel : « malgré deux premières années difficiles, pour rien au monde je ne reviendrais à l’agriculture conventionnelle ! »[4].

Et c’est tant mieux !

Car n’en déplaise aux « bio-sceptiques »[5], les études montrent que l’agriculture bio revitalise les sols et tout leur écosystème.

Dans un article très fouillé[6], le journaliste scientifique Léopold Boileau révèle que les sols des fermes en agriculture biologique recèlent des quantités plus importantes de matière organique (vivante), estimées à 37,4 tonnes par hectare de carbone organique, contre 26,7 en agriculture conventionnelle[7].  

Et ce n’est pas tout :

« L’utilisation des pesticides chimiques recule. »

« L’agriculture bio favorise les prairies, le repos de la terre, la plantation de haies, la diversité des cultures. »

« Ces pratiques augmentent le nombre de plantes, d’araignées, de vers de terre, de coléoptères, d’oiseaux ou encore de mammifères. L’accroissement des ressources alimentaires à disposition sert aussi des espèces dites auxiliaires — chauves-souris, hérissons, reptiles ou certains insectes et acariens ».

« Grâce à l’agriculture biologique, la Nature vit une véritable renaissance. »

Et c’est formidable AUSSI pour notre santé.

Une semaine de bio…et déjà du (beaucoup) mieux !

Une étude parue dans le British Journal of Nutrition[8] a ainsi montré que les produits issus de l’agriculture affichaient jusqu’à 50 % d’antioxydants en plus que ceux de l’alimentation conventionnelle, en particulier dans les fruits.

Mais ils ont aussi :  

  • Une teneur plus élevée en vitamine C
  • Concernant les minéraux : les teneurs dans les produits bio sont plus importantes de 95% en molybdène, de 5% en zinc et de magnésium.
  • Une teneur moins importante en métaux lourds et résidus de pesticides :48% de cadmium et 30% de nitrates en moins. En moyenne, les teneurs en résidus de pesticides seraient 4 fois moins importantes dans les produits bio !

Le mieux est que les études ont montré que lorsqu’on se met à manger bio, nos niveaux sanguins de pesticides commencent à décliner en moins d’une semaine[9][10] !!

C’est peut-être là une partie de l’explication des résultats sensationnels publiés par une équipe de recherche Française de l’Inserm (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale), qui vient de montrer que manger bio diminuait de 25 % le risque de cancer ! Explication de Denis Lairon, directeur de recherche

 «On sait depuis longtemps que les produits bio sont souvent plus riches en nutriments, qu’ils ont moins, voire aucun résidu de pesticides, mais on ne connaissait pas leur impact sur la santé. « 

« Nous avions déjà montré que chez les jeunes qui consomment plus de bio, il y a moins de risque d’obésité et de diabète. Mais sur le cancer, il n’y avait qu’une étude anglaise rudimentaire publiée il y a quelques années. La nôtre est la première étude approfondie sur le sujet»[11]. »

L’étude porte sur 70 000 participants – dont 78 % de femmes – parmi lesquels 1300 cas de cancers ont été étudiés.

Pour la première fois, les chercheurs ont réussi à prendre en compte la diversité des facteurs de risque pouvant impacter cette relation entre alimentation bio et cancer (poids, antécédents familiaux, tabagisme, niveau d’éducation, etc.). 

Et ils ont établi une corrélation entre la consommation d’aliments bio et la réduction du risque de cancer, tous types confondus.

Cette réduction du risque était d’autant plus importante pour les cancers du sein chez les femmes ménopausées d’une part (-34%) et les lymphomes d’autre part (-76%) car ils sont particulièrement liés au niveau d’exposition aux pesticides.

Chaque fois que vous aurez à choisir entre un aliment bio et un aliment industriel – ou issu de l’agriculture conventionnelle –  dites-vous que vous faites pencher la balance un peu plus d’un côté…ou de l’autre.

Et alors, le prix incontestablement plus élevé de l’alimentation bio prend un sens nouveau[12]

Vive les bossus, les cabossés, les tordus !

Et puis pour finir, lorsque vous mangez bio, vous renouez avec le goût véritable des aliments.

Leur texture. Leurs couleurs. Leurs formes. Leurs défauts aussi.  

Ce qui nous ramène à nos mannequins et nos légumes du début de cette lettre.

Finalement ils se ressemblent : il ne faut pas se fier aux apparences, le plus beau n’est pas toujours le meilleur.

« C’est le plus aimé des légumes, le plus soigné, le plus dorloté qui se révèle le plus riche en vertus. » écrivait l’herboriste Maurice Mésségué.

Faites confiance à la tomate ou à la salade verte et coriace de votre jardin, elles ont des qualités intrinsèques et une vitalité supérieures à leur sœur de terre ».

Et notre ami était visionnaire.

Dès 1972, il appelait au retour des moches, des abîmés, des fruits « rustés », c’est-à-dire tachés.  

Leur vilaine peau, ajoutait-il, « est bien plus saine que la peau lisse des fruits aspergés d’insecticides ». 

Alors vive l’imperfection, vivent les bossus, les cabossés, les abîmés ! Ils livrent leurs trésors à ceux qui vont plus loin que les apparences.

Santé !

Gabriel

 

 

Sources :

[1] Léopold Boileau, Explora Santé, 19 mars 2019.

[2] https://dr-rueff.com/

[3] https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-planete/20150126.RUE7557/une-pomme-de-1950-equivaut-a-100-pommes-d-aujourd-hui.html

[4] Voici un exemple ici : https://www.estrepublicain.fr/edition-vesoul-haute-saone/2019/12/11/pour-rien-au-monde-je-ne-reviendrais-a-l-agriculture-conventionnelle

[5] http://sante.lefigaro.fr/actualite/2012/09/06/19003-bio-nest-pas-meilleur-pour-sante

[6] https://explora-sante.com/la-sante-qui-vient-de-sous-vos-pieds/

[7] Andreas Gattinger et al., « Enhanced top soil carbon stocks under organic farming », PNAS, vol. 109, no 4, Washington, DC, 30 octobre 2012.

[8] Br J Nutr. 2014 Sep 14;112(5):794-811. doi: 10.1017/S0007114514001366. Epub 2014 Jun 26. Higher antioxidant and lower cadmium concentrations and lower incidence of pesticide residues in organically grown crops: a systematic literature review and meta-analyses.

[9] Oates L, Cohen M, Braun L, Schembri A, Taskova R. Reduction in urinary organophosphate pesticide metabolites in adults after a week-long organic diet. Environ Res. 2014 Jul;132:105-11.

[10] Bradman A, Quirós-Alcalá L, Castorina R, Aguilar Schall R, Camacho J, Holland NT, Barr DB, Eskenazi B. Effect of Organic Diet Intervention on Pesticide Exposures in Young Children Living in Low-Income Urban and Agricultural Communities. Environ Health Perspect. 2015 Oct;123(10):1086-93.

[11] https://www.ladepeche.fr/article/2018/10/24/2894348-alimentation-bio-ce-que-disent-les-chercheurs-francais.html

[12] https://www.bioalaune.com/fr/actualite-bio/8068/bio-coute-t-il-vraiment-plus-cher