Chère lectrice, cher lecteur,

Placebo en latin signifie : « je plairai ».

D’après le chercheur Michel Le Van Quyen, de l’Institut du Cerveau de la Pitié-Salpêtrière à Paris, la première définition de l’effet placebo remonte à 1811, dans un dictionnaire médical anglais qui écrivait, cinglant :

« Placebo – épithète donné à tout traitement prescrit plus pour plaire au patient que pour le guérir ».

On comprend bien, dans cette définition que le placebo est fondamentalement synonyme de flatterie, voire de tromperie, une démarche où le patient guérit pour de « mauvaises raisons ».

Cette connotation péjorative, voire méprisante, s’explique sans doute pour notre chercheur, par « le fait que les médecins tendent à douter de la réalité de l’effet placebo, car admettre son importance met en danger leur image et leur pouvoir… »

Eh oui…contrairement à ce que veulent faire croire ses détracteurs, le placebo n’est pas du tout un simple effet psychologique.

Je te donne l’ordre de guérir

Le placebo agit comme un signal pour donner au corps l’ordre de se guérir, en déclenchant pour de vrai la fabrication de certaines substances :

  • Antibiotiques, par exemple, via notre système immunitaire.
  • Antidouleur, via les endorphines que nous fabriquons dans notre cerveau et qui fonctionnent comme la morphine, sans les effets secondaires.

Dans une étude, des chercheurs de l’Université de Californie ont donné des placebos à 40 patients à qui l’on venait d’enlever les dents de sagesse [1].

Les patients, convaincus d’avoir reçu un « vrai » médicament témoignèrent d’une amélioration réelle. Mais les chercheurs leur donnèrent ensuite un antidote à la morphine, appelé naloxone, qui bloque l’action des endorphines. Et alors les patients ressentirent à nouveau la douleur ! Cela démontrait qu’en prenant le placebo, les patients avaient créé leurs propres endorphines !!!

  • Antidépresseurs, avec l’augmentation significative de l’activité dans le cortex préfrontal, un endroit du cerveau où les patients déprimés connaissent généralement une faible activité ! [2]
  • Etc.

Nous parlons bien de production concrète de substances qui vont agir de façon positive. Et c’est donc bien qu’il se passe quelque chose.

L’imagerie cérébrale a permis de définir précisément ce « quelque chose »…

L’effet placebo fonctionne mieux chez ceux qui…

Une étude suédoise de 2002 sur des personnes légèrement soumises à de légères brûlures de la peau, a montré que les zones cérébrales impliquées dans le soulagement de la douleur étaient les mêmes chez les patients ayant reçu de la morphine que ceux qui avaient reçu un placebo.

Et les chercheurs ont pu établir précisément que le placebo activait une région du cerveau appelée le cortex cingulaire intérieur, associé à la composante émotionnelle de la douleur, qui signale le désagrément ressenti (« cette douleur m’agace, m’épuise, je n’en peux plus).

De plus, durant un traitement par placebo, une libération de dopamine (neurotransmetteur du plaisir et de la récompense) a aussi été démontrée, ce qui montre que l’effet placebo est effectivement associé à l’attente d’une récompense – en l’occurrence, un soulagement de la douleur.

Mais il est vrai aussi que le placebo ne fonctionne pas à l’identique chez tout le monde.

« L’effet placebo se constate invariablement chez environ 30 % des patients » note Michel Le Van Qyen, toutes pathologies confondues, avec toutefois de fortes variations en fonction de l’affection, allant de 10 % à 60-70 % ponctuellement pour les migraines et la dépression, et jusqu’à 90 % pour l’arthrite. » [3]

Le Pr Kaptchuk, spécialiste de biologie moléculaire de l’Université de Harvard, a cherché à savoir qui étaient les patients qui répondaient le mieux au placebo.

Et parmi les raisons qui expliquaient la plus grande sensibilité au placebo figurait une plus grande attention portée par le patient aux signaux émis par son corps.

Nous touchons là l’essentiel.

L’écoute de son corps, la connaissance de soi.

Et bien sûr, de son environnement de soin.

Rôle indispensable du médecin qui CROIT

Comme pour un « vrai » médicament, l’intensité de l’effet placebo dépend de la dose donnée, de la méthode d’administration : l’injection est plus efficace que la gélule, qui fonctionne mieux qu’une simple potion.

L’aspect du placebo aussi joue un rôle essentiel : « la couleur blanche est préconisée dans le traitement de la douleur, alors que le rouge fonctionne comme stimulant et la gélule bleue constitue un bon remède apaisant ».

Mais l’effet placebo est plus fascinant encore, et rappelle à quel point l’homme est un « animal social », dont la force repose sur…autrui.

La propre foi du médecin dans l’efficacité du traitement est ainsi déterminante.

Michel le Van Qyen détaille dans son livre « Les pouvoirs de l’esprit » une expérience passionnante sur l’importance des croyances du soignant :

« Le docteur Steewart Wolf traitait depuis des années un patient asthmatique en proie à des crises quasi permanentes. Le médecin demanda à un laboratoire de lui fournir un nouveau médicament, réputé particulièrement efficace ».

« Il le fit prendre à son patient, dont l’état s’améliora rapidement. »

« Suspectant un effet purement « psychologique », le médecin commanda au laboratoire un placebo de ce médicament, bientôt donné au patient, à son insu : rechute immédiate. »

Le médecin répéta plusieurs fois l’expérience, toujours avec le même résultat. Verdit clair pour le dr. Wolf, qui fut convaincu de l’efficacité du médicament, ayant largement démontré sa supériorité sur le placebo…

Seulement il y avait un hic : le laboratoire l’informa que depuis le début, le patient n’avait reçu QUE du placebo !!!

C’est le thérapeute lui-même, avec sa propre conviction de l’efficacité du « faux médicament », qui avait influencé l’état du malade !!

Les mots qui soignent les maux

Et là encore, d’autres expériences ont montré que les mots choisis par les soignants dans leur dialogue avec leurs patients avaient une importance essentielle sur l’issue des soins.

Le Dr. Elvira Lang, à la tête d’une équipe de radiologie à l’hôpital de Boston, a observé que « les petites phrases dites par les soignants pour rassurer le patient (comme « N’ayez pas peur », « Vous n’allez pas avoir mal », ou « ce n’est pas grave ») avaient en pratique, un effet contraire avec une augmentation des scores de la douleur et de l’anxiété. [4]

Comme si le cerveau n’entendait pas la négation, et ne retenait que les mots anxiogènes : « peur », « mal », « grave »…

Dans une autre étude sur les femmes enceintes recevant une péridurale [5], certaines étaient préparées avec un avertissement d’une tonalité négative : « vous allez ressentir comme une piqure d’abeille, c’est la partie désagréable de la procédure »…

…alors qu’un autre groupe recevait cette explication : « nous allons vous donner un anesthésique local qui vous engourdira, pour que vous vous sentiez bien pendant la procédure ».

L’étude a conclu à une réduction de douleur de 20 % avec l’usage de mots encourageants.

A notre époque qui espère son salut par la technologie, il n’est pas inutile de rappeler que la médecine demeure une discipline fondamentalement…humaine.

Qu’on soigne parfois en prenant le temps d’écouter, avec une simple caresse, un regard bienveillant, ou un tout petit mot qui redonne courage.

Santé !

Gabriel Combris

 

sources :

[1] Levine, Jon.D., GORDON, Newton C. et Howard L.FIELDS. « The mechanism of placebo analgesia », Lancet, vol.2, no8091, 1978, p.654-657.

[2] Leuchter, Cook, Witte et al. « Changes in brain function of depressed subjects during treatment with placebo », American Journal of Psychiatry, vol 159, no 1, 2002, p.122-129.

[3] Michel Le Van Qyen, les pouvoirs de l’esprit, Flammarion.

[4] Elvira V. Lang, Olga Hatsiopoulou, Timo Koch, Kevin Berbaum, Susan Lutgendorf, Eva Kettenmann, Henrietta Logan, Ted J. Kaptchuk, Can words hurt ? Patient-provider interactions during invasive procedures, Pain, 2005, n°114, pages 303-309

[5]https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20042440/