Chère lectrice, cher lecteur,

L’industrie des antidépresseurs vient de prendre un très, très mauvais coup. En plein cœur de l’été, cela n’a pas fait grand bruit, mais je vous mets mon billet qu’on va en reparler très bientôt…

Mais jugez plutôt :

Je vous ai déjà parlé du scandale hallucinant du Prozac (qui aurait entraîné 40 000 suicides depuis sa mise sur le marché !!![1]), et on sait par ailleurs depuis longtemps que les antidépresseurs entraînent des effets secondaires multiples (augmentation du risque de cancer du sein, d’AVC, de nausées, vertiges, troubles digestifs, migraines, et même comble du comble, une dépression aggravée dans certains cas…

Malgré cela, la consommation de ces médicaments continue d’exploser[2], favorisée par un climat anxiogène[3] et un réflexe de prescription devenu quasi pavlovien face à la question complexe de la dépression.

Pourtant, une étude anglaise récente vient de jeter un doute IMMENSE au sujet des antidépresseurs : elle remet en question le cœur même de leur utilité : l’idée selon laquelle la dépression viendrait d’une forme de « déséquilibre » chimique de notre cerveau.

En effet les antidépresseurs agissent, dans la grande majorité des cas, sur la sérotonine, un neurotransmetteur via lequel les neurones communiquent entre eux (transmission des pensées ou encore des instructions aux autres organes du corps).

Leur rôle est donc d’empêcher le cerveau de « recapturer » la sérotonine qu’il produit, c’est-à-dire de la ré-absorber.

Ils contribuent ainsi à maintenir un niveau plus élevé de sérotonine entre les neurones.

L’augmentation du taux de sérotonine extracellulaire qui en résulte s’opposerait au déficit supposé exister dans le cerveau des personnes…déprimées.

Et voilà comment ces médicaments, parmi lesquels on trouve le Zoloft, le Deroxat ou le Luvox et, bien sûr le célèbre Prozac, ont été massivement prescrits aux personnes souffrant de dépression.

Vous êtes angoissé ? Vous avez l’impression que votre vie n’a pas de sens, que rien ne suscite votre curiosité, intérêt ou plaisir ?

C’est un simple déséquilibre chimique, voyons…il vous manque de la sérotonine.

Prenez des « suppléments », et l’affaire est réglée !

C’est bien cette thèse que les scientifiques britanniques Joanna Moncrieff et Mark Horowitz viennent de remettre en question [4][5].

Leur étude est absolument impressionnante. Il s’agit de ce que les Anglo-Saxons appellent une « umbrella review », c’est-à-dire une synthèse d’un nombre faramineux d’études, méta-études, et autres recherches publiées sur le lien entre sérotonine et dépression.

Et leur résultat est sans appel : aucune preuve fiable et consistante ne confirmerait l’idée qu’un déséquilibre chimique, et tout particulièrement sérotoninique, serait responsable de symptômes dépressifs.

En clair, les antidépresseurs traiteraient un aspect…sans rapport avec la dépression !!!!

Et vous savez ce qui est le plus fou ? C’est que le chercheurs se sont vu rétorquer par d’autres scientifiques… « qu’on le savait déjà ! »…

Car oui, même s’il est établi que la dépression est une maladie multifactorielle, impossible à réduire à une question de « dosages » chimiques, on continue à distribuer des antidépresseurs dont on connaît les dangers, et qui pourraient bien au mieux, ne servir strictement à rien.

De nouvelles pistes

Fort heureusement, les choses changent.

La complexité de la dépression est chaque jour un peu mieux comprise.

Et la recherche confirme que la solution ne sera pas (seulement) chimique.

Un nombre croissant de chercheurs estime qu’au lieu de lier la dépression à la sérotonine, par exemple, il serait plus judicieux de creuser du côté… des microbiotes.

Ces vastes ensembles bactériens qui peuplent nos corps sembleraient capables d’interagir avec nos émotions et nos humeurs de manière déterminante.

Ainsi, plusieurs études comparant le microbiote de personnes en bonne santé mentale aux microbiotes de dépressifs ont révélé, chez ces derniers, l’absence de plusieurs bactéries aux fonctions cruciales, et une diversité bactérienne moindre, ainsi que des processus inflammatoires plus importants[6].

C’est une piste, mais il en existe beaucoup d’autres.

Ainsi, une récente étude « randomisée en double aveugle » a par exemple montré que l’huile essentielle de lavande (sous forme de capsule, prescrite à deux dosages de 160 mg et 80 mg) a été plus efficaces que 20 mg de paroxétine (Deroxat)[7].

Autre exemple encore avec la luminothérapie, une technique qui consiste à s’exposer à une lampe qui émet des rayons lumineux très puissants pendant quelques minutes chaque jour (10 000 lux au moins).

Des chercheurs canadiens ont rassemblé 150 patients souffrant de dépression modérée ou sévère, et les ont traités de manière aléatoire pendant 8 semaines avec, soit un traitement de luminothérapie (30 minutes par jour), soit un placébo, soit, soit un médicament ISRS (Prozac).

La luminothérapie seule a permis à 43,8% des malades de ne plus ressentir de symptômes dépressifs, contre seulement 19,4% dans le groupe qui prenait l’antidépresseur seul[8].

Ouvrir en grand les portes de sa vie

Je reviendrai prochainement sur le sujet important de la dépression, mais je voudrais pour conclure revenir sur cette expérience hors du commun conduite en Islande à la fin des années 1990, et qui devrait faire réfléchir ceux qui veulent gaver enfants et adolescents d’antidépresseurs.

A cette époque, la jeunesse islandaise était traversée par une crise profonde, un mal-être se traduisant par une surconsommation de cannabis et d’alcool par rapport aux autres pays européens[9].

Face à cela, les autorités ont choisi d’investir non pas dans la distribution massive d’anxiolytiques ou d’antidépresseurs, mais dans un programme fondé sur le « rétablissement d’une plus grande proximité des parents avec leurs enfants ».

Cela comportait un volet « répression », avec la mise en place d’un couvre-feu pour les mineurs, le report de la majorité de 16 à 18 ans, l’interdiction de vente de tabac et d’alcool aux mineurs etc.

Mais ce programme insistait surtout sur autre chose : l’importance pour les parents et les enfants de passer du temps ensemble.

Pour cela, le gouvernement a notamment proposé des subventions pour des activités sportives ou de plein air pratiquées en famille (foot, pêche, bowling, etc).

Près de vingt ans après le début de ce programme, le pourcentage des jeunes déclarant avoir bu au cours du mois précédent a été divisé par huit, ceux qui fument du cannabis sont trois fois moins nombreux et les fumeurs réguliers ont pratiquement disparu.

Passer du temps ensemble en famille…voilà le remède.

Dérisoire ?

Peut-être pas tant que ça, à notre époque où la connexion permanente à un écran, à un métier, à un réseau social déconnecte autant de personnes du réel, du présent, du sensuel.

Préparer le dîner en famille, évoquer sa journée, se promener ensemble, cultiver le beau, le dépassement de soi, les amitiés sincères etc…Pas grand-chose en apparence, et pourtant ces comportements obtiennent sur l’anxiété, le stress et la confiance en soi des résultats formidables.

Ils permettent de retrouver l’ancrage, la présence à sa vie.

Ils ré-ouvrent en grand les portes du monde que les antidépresseurs avaient fermé.

Santé !

Gabriel Combris


Sources :

[1] https://www.directe-sante.com/arnaque-tristesse/

[2] https://www.vidal.fr/actualites/27177-covid-19-la-consommation-d-anxiolytiques-et-d-antidepresseurs-en-forte-hausse.html

[3] https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/06/29/la-france-deprime-le-business-de-l-anxiete-fleurit_6132575_3234.html

[4] https://doi.org/10.1016/j.ssmmh.2022.100098

[5] https://www.nature.com/articles/s41380-022-01661-0

[6] https://www.science.org/content/article/evidence-mounts-gut-bacteria-can-influence-mood-prevent-depression

[7] Kasper S, Gastpar M, Müller WE, et al. Silexan is effective in generalized anxiety disorder – a randomized, double-blind comparison to placebo and paroxetine. Int J Neuropsychopharmacol. January 23, 2014:1-11. [epub ahead of print]. doi: 10.1017/S1461145714000017.

[8] Raymond W. Lam, Anthony J. Levitt, Robert D. Levitan, Erin E. Michalak, Rachel Morehouse, Rajamannar Ramasubbu, Lakshmi N. Yatham, Edwin M. Tam. Efficacy of Bright Light Treatment, Fluoxetine, and the Combination in Patients With Nonseasonal Major Depressive Disorder. JAMA Psychiatry, 2015

[9] https://www.huffpostmaghreb.com/2017/03/31/islande-jeunes-prevention_n_15722342.html