Chère lectrice, cher lecteur,

L’anxiété est un symptôme caractéristique et pourtant peu cité quand on évoque la maladie d’Alzheimer.

Pour beaucoup de malades, les angoisses peuvent se manifester à la tombée du jour ou dès la fin de l’après-midi.

La lumière s’amenuise, à mesure que la pénombre gagne du terrain, l’angoisse du patient peut augmenter. Il peut se trouver plus agité, plus irritable, confus ou encore désorienté que durant le reste de la journée.

Les médecins ne savent pas exactement à quoi cela est dû, une hypothèse serait que le rythme circadien (l’alternance veille/sommeil) du patient Alzheimer serait altéré.[1]

D’autres supposent que c’est la fatigue d’avoir été sollicité, exposé à des stimuli audiovisuels toute la journée, qui rend le patient davantage sensible le soir.

Ou peut-être est-ce la baisse de luminosité, et donc de visibilité et de reconnaissance de son environnement, qui agite le patient.

On parle de « syndrome du coucher de soleil » ou du sundowning syndrom en anglais.

On le retrouve de manière plus prononcée chez les personnes qui souffrent de la maladie d’Alzheimer (environ 20% des patients) ou de démence mais toute la population pourrait y être sujet.

Le syndrome du coucher de soleil n’est pas seulement « pesant », c’est tout simplement un des facteurs qui poussent certaines familles à placer en institut spécialisé un proche atteint de démence.

Mais aussi et surtout la présence du « sundowning syndrom » est corrélée à une aggravation des troubles cognitifs dans la maladie d’Alzheimer.[2]

Mon pronostic : vous allez TOMBER DE VOTRE CHAISE !

Si certains conseillent d’augmenter la luminosité, durant la journée et le soir, il existe une méthode plus originale, à la portée de tous qui pourra :

1 – apaiser les troubles anxieux qui surviennent dès la fin d’après-midi (mais aussi les anxiétés et angoisses « hors syndrome du coucher de soleil »)

2 – consolider les fonctions cognitives.

Maintenant, je pense que lorsque je vais vous dire de quoi il s’agit, vous allez…tomber de votre chaise !

Car cette méthode, c’est ….le TRICOT !!!

Oui !

D’abord, les mouvements répétitifs et rythmés du tricot peuvent être associés à une forme de méditation.

Passés les moments d’apprentissage, on se laisse « porter » par cette activité manuelle mécanique.

Parce que notre cerveau se concentre sur une seule tâche, les pensées qui se bousculent habituellement dans la tête s’apaisent, voire disparaissent.

Des études ont ainsi prouvé que le tricot, comme d’autres types d’activités manuelles, réduit l’anxiété, la dépression et dans certains cas se sont montrés efficaces sur les troubles alimentaires.

Suspendre les douleurs, même les plus vives

Cet « abandon » dans le tricotage s’apparente à ce que le psychologue américain Mihaly Csikszentmihalyi appelle le « flow », ou « l’expérience optimale ».

Il s’agit d’une période de concentration intense sur le moment présent, vécue en perdant la notion de temps qui passe, dans l’oubli de soi, au profit d’un engagement total dans l’action en cours ».

Selon lui, l’état dans lequel on est plongé quand on tricote ou qu’on réalise une activité manuelle est dû au fait que notre système nerveux est capable de ne traiter qu’un nombre défini d’informations à la fois.

Dès lors, quand on commence à créer (ici : à tricoter) le reste du monde, le reste des activités qui sont les nôtres au quotidien sont « temporairement suspendues », y compris les stimuli corporels (douleurs, raideurs, faim, soif) que les problèmes qu’on peut rencontrer au travail ou dans sa famille.

Un traitement fait de peu de choses

D’autre part, les mouvements répétitifs du tricot peuvent activer le système nerveux parasympathique, et sortir les individus de l’état de stress ou d’alerte dans lequel ils sont plongés. Un peu comme la méditation.

Dans une étude publiée en 2011, publiée dans The Journal of Neuropsychiatry and Clinical Neurosciences[3], une équipe de chercheurs a analysé l’impact d’activités telles que jouer à des jeux, lire des livres, utiliser son ordinateur, tricoter sur la santé de leurs fonctions cognitives de 1 321 patients.

Ils en ont conclu que les activités comme le tricot sont associées à une réduction de 30 à 50% des risques de souffrir de déficience cognitive légère et les pertes de mémoires.

Une autre étude sur plus de 3 500 personnes pratiquant le tricot régulièrement a montré que

  • la grande majorité des personnes tricotent parce que cela les relaxe et apaise leur stress : 81% des participants disent se sentir plus heureux après une session de tricot
  • il y a un lien entre la fréquence de tricotage et le sentiment de calme et de joie qui s’ensuit
  • les personnes tricotant le plus fréquemment montrent de meilleurs résultats en termes de fonctions cognitives[4]

Enfin, des chercheurs du Harvard Medical School’s Mindand Body Institute ont montré que tricoter avait un effet sur la respiration et les battements du coeur : cela diminuerait le rythme cardiaque de 11 battements par minute en moyenne et diminuerait la pression artérielle.

Comme le yoga, le tricot entraîne une « réponse de relaxation ».

Selon les chercheurs, ce sont les mouvements répétés de même que l’état de concentration élevé (coordination des mains, comptage des points, alternance des points, etc.) qui provoquent cet état.

Alors à vos mailles à l’envers, mailles à l’endroit, torsade et compagnie !

Et si vous n’aimez pas les aiguilles, vous pouvez aussi expérimenter le « flow » en lisant, en écrivant, en peignant, en chantant dans une chorale, en jouant du piano ou un autre instrument, lors d’un match en équipe ou lors d’une conversation passionnée avec un ami.

Santé !

Gabriel Combris

 

Sources : 

1. https://ajp.psychiatryonline.org/doi/pdf/10.1176/appi.ajp.158.5.704

2. https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmed.2016.00073/full

3. Yonas E. Geda, et al. « Engaging in Cognitive Activities, Aging, and Mild Cognitive Impairment: A Population-Based Study », The Journal of Neuropsychiatry and Clinical Neurosciences 2011; 23:149 –154

4. Jill RileyBetsan CorkhillClare Morris, « The Benefits of Knitting for Personal and Social Wellbeing in Adulthood: Findings from an International Survey », The British Journal Of Occupational Therapy, 2013,
https://doi.org/10.4276/030802213X13603244419077