Chère lectrice, cher lecteur,

Quand on évoque les risques majeurs pour la santé, on cite spontanément le tabagisme ou la surconsommation d’alcool…

…Le manque de pratique physique, le surpoids et ses conséquences métaboliques.

…La « malbouffe », ou encore la pollution…

Tout cela est vrai.

Pourtant, on oublie souvent un facteur de risque qui concerne près d’un tiers des personnes âgées[1].

Un problème responsable de l’augmentation du risque de mort prématurée, presque autant que l’obésité, le manque de pratique sportive ou le tabagisme[2].

…Il s’agit de l’isolement et la solitude ressentie.

Selon la Fondation de France, qui a mené une étude sur les dix dernières années, la solitude est en constante augmentation : en 2020, ce sont 7 millions de Français et Françaises qui sont dans cette situation de solitude, soit 3 millions de plus qu’en 2010[3].

Isolé donc vulnérable

Or si cette situation entraine un risque accru de mort prématurée, elle augmente également le risque de développer des pathologies, parfois graves[4].

Selon une étude de 2017 menée sur 15 000 participants, âgés de 35 à 74 ans, l’isolement augmenterait le taux cliniquement avéré d’anxiété, de dépressions ou de pensées suicidaires[5].

La corrélation dans ce cas semble « logique » : isolé, on comprend comment des pensées noires et un état anxiodépressif peuvent s’installer.

Mais l’isolement influence également d’autres sphères que celle psycho-émotionnelle.

Dans une méta étude publiée en 2016, des chercheurs anglais concluent que le risque de faire un arrêtcardiaqueaugmente de 32%, dans des situations de relations sociales appauvries[6], de même que de développer des maladies coronariennes.

De plus, la solitude, augmenterait le risque d’hypertension artérielle[7], d’avoir un taux de cholestérol élevé ou encore du diabète[8] .

Mais le plus inquiétant reste l’influence de la solitude sur les risques de neurodégénérescence.

La voie isolement-stress-cerveau

Des chercheurs établissent en effet un lien entre la solitude d’une part, et les capacités cognitives, la rapidité du traitement de l’information et la mémoire d’autre part[9], c’est-à-dire que plus on est isolé, plus les performances cognitives risqueraient de décliner.

Ainsi, dans une étude menée sur des personnes âgées de 75 ans et plus, la solitude a été présentée comme un facteur de prédiction du déclin cognitif, suggérant qu’elle accélérait les effets du vieillissement[10] et augmenterait les risques de maladie d’Alzheimer[11].

On ne parle pas ici d’influence mineure, car dans une étude datant de 2018, la solitude était associée à un risque accru de 40% de démences[12].

Par ailleurs, la solitude pourrait déclencher un état de stressbiologiquechronique, qui à son tour pourrait augmenter l’accumulation de protéine b-amyloïde et tau dans le cerveau[13].

Il est important de signaler que souvent c’est le sentiment de solitude ou d’isolement ressenti qui influence négativement la santé et augmente les risques de développer certaines pathologies.

Dans ce contexte, il est vraiment important de trouver une sociabilité qui vous convienne :

  • développer des relations amicales avec vos voisins,
  • trouver une chorale ou un club de sortie en extérieur,
  • savoir solliciter la présence de son entourage lorsqu’on se sent seul,
  • adopter un animal de compagnie (on tisse facilement des liens avec les autres propriétaires),

Ou encore, pourquoi pas, s’investir dans une forme de bénévolat, encadré ou non, pour se sentir utile et solidaire.

Bref, chacun sa voie, chacun sa façon d’aller vers l’autre, et je remercie tous les lecteurs qui voudront bien indiquer en commentaire quelle est pour eux l’activité qui contribue à les « nourrir » socialement.

Et que ceux qui ont du mal à aller vers les autres le disent aussi, d’autres lecteurs auront peut-être de bonnes idées pour aider à briser la glace !

Deux copines de 102 ans !

Et puis, je me permets pour finir, de m’adresser à ceux qui ont la chance de ne pas subir la solitude.

Je crois qu’il faut que nous (ré)apprenions à cultiver l’écoute de l’autre comme un trésor de santé

Nous en avons besoin aujourd’hui encore plus, dans un monde qui s’individualise et nous assèche des autres.

Car l’écoute est un fabuleux baume apaisant.

Elle libère celui qui parle, bien sûr.

Elle valorise aussi celui qui reçoit la parole.

Sur la célère Ile aux centenaires d’Okinawa, par exemple, les habitants s’inscrivent dès le plus jeune âge dans une sorte de club appelé le moai, où toute leur vie ils vont pouvoir se retrouver pour boire le thé, être ensemble, parler et écouter.

Le chercheur Dan Buettner, spécialiste mondial de ces « zones bleues » où vivent les centenaires, a rapporté le cas de deux femmes qui faisaient partie du même moai depuis 98 ans[14].

À 102 ans, elles continuaient à se voir et elles savaient qu’à la moindre difficulté, elles pouvaient compter l’une sur l’autre.

Ce n’est bien sûr pas le seul pilier de leur mode de vie, où l’alimentation, l’exercice physique ou encore la façon de respirer jouent considérablement pour expliquer leur longévité, mais selon Buettner, cette écoute réciproque a contribué à développer chez elles une incroyable confiance dans la vie et dans leur capacité propre à affronter les épreuves.

Y compris la maladie.

Santé !
Gabriel Combris


Sources :

[1] https://www.fondationdefrance.org/fr/7-millions-de-francais-confrontes-la-solitude-decouvrez-notreenquete-annuelle

[2] https://doi.org/10.1093/aje/kwy231

[3] https://www.fondationdefrance.org/fr/7-millions-de-francais-confrontes-la-solitude-decouvrez-notreenquete-annuelle

[4] https://www.nap.edu/read/25663/chapter/5#51

[5] https://doi.org/10.1186/s12888-017-1262-x

[6] http://dx.doi.org/10.1136/heartjnl-2015-308790

[7] doi: 10.1037/a0017805

[8] doi: 10.1371/journal.pone.0181442

[9] doi:10.1159/000351265

[10] doi:10.1093/gerona/59.3.M268

[11] doi:10.1097/01.JGP.0000196637.95869.d9 et doi:10.1001/archpsyc.64.2.234

[12] doi:10.1093/geronb/gby112

[13] https://www.nap.edu/read/25663/chapter/7#99

[14] https://www.bluezones.com/dan-buettner/