Chère lectrice, cher lecteur,

C’est une histoire fascinante racontée par des médecins français dans la revue Annals of internal medicine.1

Elle commence pourtant avec une maladie particulièrement invalidante, diagnostiquée chez un enfant de 11 ans : une dyskinésie (trouble des mouvements) liée à un gène appelé ADCY5.

Il s’agit d’une maladie orpheline extrêmement rare – moins d’un cas sur un million – qui a pour conséquence de déclencher chez le malade des mouvements totalement incontrôlables, parfois de façon très violente :

« Les bras, les jambes et le visage se mettent à bouger de manière très importante » explique le Pr Flamand-Roze, neurologue à la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

L’enfant, lui « ne pouvait pas faire de vélo ni même rentrer à pied de l’école, car une crise pouvait survenir n’importe quand ».

Sitôt le diagnostic posé, les médecins ont testé une approche particulièrement originale en lui prescrivant… du café !!!

« Ça fait quelques années que nous le prescrivons, depuis que d’autres patients ont raconté que c’était très efficace contre les mouvements»

Il faut déjà noter ici l’ouverture d’esprit remarquable que constitue l’écoute des patients, d’ordinaire relégués au rang de cinquième roue du carrosse.

Ici, leur avis a été pris en compte.

Mieux, on a accepté de généraliser leur remède naturel « tout simple » : boire du café.

Dans le cadre de son traitement, le petit malade s’est donc vu prescrire une tasse d’expresso le matin et une autre le soir, avec un effet rapide remarquable (les mouvements incontrôlés disparaissant presque totalement) et relativement durable (sept heures d’efficacité).

Mais ce n’est pas tout.

La science dit merci à ceux qui se trompent !

Car après quelques semaines d’efficacité, brusquement… plus rien !

Les parents constatent que malgré les deux cafés quotidiens, les mouvements affolés de leur enfant ont repris de plus belle.

Ce qu’ils ne savent pas encore, c’est qu’ils viennent de faire avancer la science à pas de géant !

Car il se trouve qu’ils ont acheté par erreur pour leur fils du…décaféiné, et non pas du café.

Sitôt l’enfant remis au café avec caféine, ses mouvements indésirables disparaissent à nouveau.

En se trompant, les parents ont tout simplement effectué un “test en double aveugle contre placebo”, le Saint Graal de la recherche scientifique !

On parle de “double aveugle” car ni la personne qui prend le traitement ni celle qui lui administre ne sait s’il contient un principe actif ou s’il n’est qu’un placebo. On peut donc étudier l’efficacité de la substance testée sans le « biais » humain.

Voilà un hasard « un peu fabuleux » qui, combiné à une vraie écoute de la part de l’équipe médicale, a permis de valider l’efficacité de la caféine et de mieux comprendre son rôle dans cette maladie :

Elle se fixerait sur des récepteurs liés à la protéine ADCY5 malade, très présente dans une région profonde du cerveau qui contrôle les mouvements :

« Dans cette maladie, résume le Pr Flamand Roze, la protéine fonctionne trop, et la caféine réduit son activité. »

AUTRES BONNES RAISONS DE BOIRE DU CAFÉ

Cette histoire est aussi l’occasion de faire un point plus général sur le café, dont les vertus santé font l’objet d’un ping-pong incessant entre partisans et adversaires.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

D’abord il faut dire que les études sur le sujet ont concerné des centaines de milliers de personnes à travers le monde. Nous ne parlons pas d’un petit échantillon hasardeux, ou d’une petite étude vite fait sur 3 malheureux rats de laboratoire. C’est du solide !

Et elles concluent non seulement à une non-dangerosité pour la santé, mais surtout à un magnifique potentiel préventif (lié à la présence de près de 300 molécules actives dans le café).

Je vais balayer rapidement quelques études pour en faire la démonstration, mais si vous ne devez ne retenir qu’un argument à ressortir (à la machine à café), c’est celui-ci : deux études épidémiologiques récentes2 ont conclu que les consommateurs réguliers de café ont une espérance de vie supérieure à celle de ceux qui n’en boivent pas.

Une seule tasse de café par jour réduirait la mortalité de 12 % par rapport aux « non-buveurs ».

Quant à ceux qui boivent trois tasses de café par jour, ils voient ce risque minoré de 18 % !

Mais alors pourquoi tant de méfiance ?

C’est probablement l’effet « stimulant » du café qui lui valu la (fausse) réputation de fatiguer le cœur et d’augmenter la tension artérielle.

Je dis « fausse » réputation, car les mesures objectives de la pression sanguine ne valident pas du tout ces suspicions :

Une étude sur 150 000 personnes a ainsi montré que la consommation de café entraînait certes une petite hausse de la pression, mais seulement de façon transitoire, et surtout trop courte pour être nocive.

Et ce qui est intéressant, c’est que cette légère hausse disparaît totalement lorsque la consommation devient quotidienne.3

D’ailleurs, c’est bien sur le long terme que la consommation de café porte ses plus beaux fruits :

Moins de risque cardiovasculaire, d’AVC et de diabète

Des travaux d’autres chercheurs sur – excusez du peu – 1,2 millions de personnes, ont ainsi conclu que ceux qui boivent entre 3 et 4 tasses de café par jour ont un risque cardiovasculaire diminué de 15 % par rapport à ceux qui n’en boivent pas.

On retrouve des résultats comparables du côté du risque d’AVC, avec 20 % de fréquence en moins chez ceux qui boivent régulièrement 4 expressos par jour.4

En 2005, des chercheurs ont remarqué que les buveurs fréquents de café montraient un risque plus faible de contracter un diabète de type 2 (jusqu’à 30 % en moins, ce n’est pas rien !)5, avec une diminution de 5 à 8 % pour chaque tasse consommée en plus !

Café et cancer

Autre bonne surprise, la mise en évidence dans les études entre une consommation élevée de café et un risque plus faible de nombreux types de cancer : vessie, sein, côlon, prostate, bouche.6,7,8

La seule précaution à suivre sérieusement est de ne pas boire trop chaud, ce qui augmente pour le coup le risque de cancer de l’œsophage et de la gorge.

Enfin, il faut souligner le rôle neuro protecteur du café, ce qui confirme ce que nous avons vu au début de cette lettre.

Des études récentes ont en effet montré sa capacité à diminuer les risques de maladie de Parkinson, et un rôle préventif contre les troubles neurodégénratifs (maladie d’Alzheimer notamment).

Il existe cependant des cas où le café est contre-indiqué, en particulier chez les femmes enceintes (avec un risque identifié de fausse couche après 2 tasses par jour), les personnes qui ont des arythmies cardiaques9, des troubles du sommeil, des troubles psychiatriques, ou encore de l’acidité gastrique ou un déficit en fer (les tanins du café diminuent l’assimilation du fer).

Dernier point : le choix du type de café. Noir d’abord, sans lait ni sucre. Bio le plus possible, car le café fait hélas partie des cultures les plus arrosées de pesticides.

Reste le débat actuel, qui concerne les dosettes.

Celles-ci affichent des compositions analogues au café filtre pour la caféine et les autres substances actives, mais on soupçonne un risque lié à la présence de furane et d’acrylamides, deux molécules soupçonnées d’être cancérogènes.

La aussi soyons rassurant : à ce stade, le soupçon est à nuancer car les concentrations seraient trop diluées pour être réellement dangereuses.

Bonne nouvelle, donc.

Et c’est maintenant à l’empereur Napoléon 1er que reviendra le mot de la fin, lui qui a écrit cette subtile description du sentiment si particulier que laisse le café quand il vous coule dans la gorge :

« Le café me ressuscite. Il m’apporte une chaleur, une énergie singulière, une douleur qui n’est pas sans plaisir. J’aime mieux alors souffrir que de ne pas souffrir. ».

Santé !

Gabriel Combris


Sources :

[1] https://annals.org/aim/article-abstract/2735723/caffeine-dyskinesia-related-mutationsadcy5-gene

[2] Gunter M.J., Murphy N., Cross A.J., Dossus L., Dartois L., Fagherazzi G. et al. « Coffee drinking and mortality in 10 European Countries. A multinational cohort study ». Ann. Intern. Med. [Epub ahead of print 11 July 2017]. Park S., Freedman N.D., Haiman C.A., Le Marchand L., Wilkens L.R., Setiawan V.W. « Association of coffee consumption with total and cause-specific mortality among nonwhite populations ». Ann. Intern. Med. [Epub ahead of print 11 July 2017].

[3] Wolfgang C. Winkelmayer, MD, ScD; Meir J. Stampfer, MD, DrPH; Walter C. Willett, MD, DrPH; Habitual Caffeine Intake and the Risk of Hypertension in Women – JAMA. 2005;294(18):2330-2335. doi:10.1001/ jama.294.18.2330

[4] Byungsung Kim, Yunjung Nam, Junga Kim, Hyunrim Choi, and Changwon Won – Coffee Consumption and Stroke Risk: A Meta-analysis of Epidemiologic Studies – Korean J Fam Med. 2012 Nov; 33(6): 356–365

[5] . Rob M. van Dam, PhD; Frank B. Hu, MD, PhD – Coffee Consumption and Risk of Type 2 Diabetes A Systematic Review – JAMA. 2005;294(1):97-104. doi:10.1001/jama.294.1.97

[6] Kathryn M. Wilson, Julie L. Kasperzyk, Jennifer R. Rider, Stacey Kenfield, Rob M. van Dam, Meir J. Stampfer, Edward Giovannucci, and Lorelei A. Mucci – Coffee Consumption and Prostate Cancer Risk and Progression in the Health Professionals Follow-up Study – J Natl Cancer Inst. 2011 Jun 8; 103(11): 876–884

[7] Jingmei Li, Petra Seibold,3 Jenny Chang-Claude, Dieter Flesch-Janys, Jianjun Liu, Kamila Czene, Keith Humphreys, and Per Hall – Coffee consumption modifies risk of estrogen-receptor negative breast cancer –

[8] Ann H. Rosendahl, Claire M. Perks, Li Zeng, Andrea Markkula, Maria Simonsson, Carsten Rose, Christian Ingvar, Jeff M.P. Holly and Helena Jernström – Caffeine and Caffeic Acid Inhibit Growth and Modify

[9] https://www.julienvenesson.fr/quelle-quantite-de-cafeine-pour-augmenter-la-forcemusculaire/