Chers lecteurs,
Qu’est-ce qui s’est passé ?
Tous les jours, je dis bien TOUS LES JOURS, on apprend que quelqu’un – un politicien, un chanteur, une actrice, un maire, un prof, etc. a reçu des menaces de mort.
Sur Twitter, sur Instagram, sur Tik-Tok, c’est un raz-de-marée de haine aveugle et sans limite.

Et c’est sans parler des « simples » insultes gratuites, des diffamations, des saletés jetées lâchement par des imbéciles derrière leur clavier.
Je ne crois pas qu’il faille voir ce phénomène comme une soupape, façon de s’en tenir à des paroles pour éviter de passer à des faits.
L’acte méchant, écrit la philosophe Simone Weil, est un « transfert sur autrui de la dégradation qu’on porte en soi ».
Voilà pourquoi la situation est sérieuse : notre société est dévorée par la colère. Elle en est malade. Littéralement.
Évidemment la résolution d’une telle pathologie collective est complexe. Mais peut-être qu’avant de vouloir agir à l’échelle de la société, il faut commencer par soigner sa propre colère.
Car rien de solide ne peut se construire sur un socle aussi pourri.
Un lit d’orties
« Les hommes coléreux se font à eux-mêmes un lit d’orties » disait l’écrivain anglais du XVIIIème siècle Samuel Richardson. Et la science confirme cette intuition.
- Des chercheurs américains ont montré en 2014 qu’un tempérament colérique et des accès de colère augmentaient le risque de crise cardiaque ou d’AVC1.
- Une autre étude australienne a confirmé que la crise cardiaque peut être déclenchée par un accès de colère intense. Les chercheurs concluent même qu’une grosse colère multiplie par 8,5 le risque de crise cardiaque dans les deux heures qui suivent2.
Maintenant, quoi faire ?
J’ai envie de vous proposer un détour par la médecine chinoise, qui offre une lecture intéressante des émotions, qu’elle considère comme faisant partie intégrante de notre physiologie. Ce sont des substances produites par le corps, au même titre que le sang par exemple.
On comprend alors que lorsqu’elles sont contaminées, elles font le lit de la maladie :
- La joie (xǐ 喜) est produite par le cœur. C’est l’émotion de la santé, de la bonne humeur, de la détente. Elle favorise la circulation du qì (énergie vitale) et du sang, détend l’esprit et favorise la paix intérieure si nécessaire à l’activité de l’esprit, de l’énergie et du jīng (principe vital).
- La colère (nù 怒) est produite par le foie. C’est une réaction naturelle de défense contre un danger ou une menace. Si celle-ci servit à nos ancêtres pour échapper aux hostilités de leur environnement, aujourd’hui elle est à l’origine de toute compétitivité et permet de nous extérioriser.
- La tristesse (bēi 悲) est produite par le poumon. Elle souligne notre attachement à un être, à une chose, à un état ou un sentiment perdu ou passé. La médecine chinoise la voit parfois comme une nécessité.
- La peur (kǒng 恐) est produite par les reins. C’est une émotion indispensable pour le maintien de la vie, qui agit comme un signal d’alarme face à un danger.
Ce n’est que lorsqu’elles débordent, qu’elles deviennent excessives, répétées, qu’elles s’accumulent, que les émotions sont source de maladies parfois graves (dépression, cancer, diabète, troubles de la libido, du sommeil etc.)
On remarque aussi que c’est le foie lui qui régularise le mental et les émotions, ainsi que l’explique le chercheur en médecine traditionnelle chinoise Philippe Sionneau :
« Si l’activité mentale et émotionnelle est gouvernée par le cœur, le foie quant à lui favorise leur circulation fluide. C’est lui qui leur permet de se manifester naturellement. Quand la fonction de libre circulation est bonne, les organes sont en harmonie et leur qì émotionnel également. Dans ce cas la pensée est claire, le cœur paisible, l’esprit détendu, les émotions équilibrées.
« En cas de faiblesse de la fonction de libre circulation, le qì du foie stagne, les mécanismes du qì sont déréglés, les activités mentale et émotionnelle sont déprimées, provoquant doute, anxiété, dépression, tendance à soupirer, déprime, envie de pleurer… »
« En cas d’excès de la fonction de libre circulation, avec une montée du qì du foie, il y a une excitation de l’activité mentale et émotionnelle. Il en découle de l’irritabilité, de l’impatience, une tendance à la colère, de l’insomnie, des rêves abondants, de l’agitation mentale. »
Sur la base d’un bilan spécifique, le praticien de médecine chinoise détermine si vous souffrez d’une surpression du foie.
Dans ce cas, les symptômes sont le plus souvent : dépression, fréquents soupirs, bâillements réguliers, colères, ruminations, irritabilité, irrégularité du cycle menstruel, dysphagie, etc.
Lorsque se créent des obstacles ou des barrières émotionnelles, la médecine chinoise offre alors de nombreuses techniques pour retrouver la paix intérieure :
En phytothérapie, d’abord. La Chái Hú Shū Gān Sǎn 柴胡疏肝散 (poudre de radix Bupleuri pour drainer le foie) est l’une des prescriptions les plus fréquentes, à laquelle on peut ajouter Xiāo Yáo Sǎn 逍遥散 (Poudre pour être libre de toute contrainte), Dān Zhī Xiāo Yáo Sǎn 丹栀逍遥散 (Poudre de Cortex Moutan Radicis et de Fructus Gardeniae).
Précision évidente : ces préparations nécessitent, pour être réalisée, une bonne connaissance de la médecine chinoise, et il est évidemment conseillé de consulter un thérapeute professionnel avant de les utiliser.
L’acupuncture, en agissant sur des points qui régularisent les fonctions des organes et des émotions, offreelle aussi des trésors inestimables pour leur fluidification. Là aussi, la consultation d’un professionnel est impérative. On peut cependant citer quelques grands points d’acupuncture pour régulariser le foie :
Gymnastique chinoise ré-équilibrante
Le Qi Gong (prononcer chi kong, ce qui signifie entraînement énergétique) est une discipline d’exercices physiques associés à la respiration et à la concentration mentale, qui est considérée comme essentielle sur le chemin de la bonne santé. L’exercice de ré-équilibrage suivant peut se pratiquer couché (sur le dos), assis ou debout.
- Massez votre plexus solaire en faisant une trentaine de cercles en maintenant une légère pression. Petit à petit vous pouvez aller de plus en plus profondément dans votre corps sans pression excessive.
- Enchaînez avec des respirations abdominales. Inspiration lente, tranquille, vous gonflez l’abdomen. Puis vous videz l’abdomen. Cette respiration se fait lentement et uniquement par le nez. On n’utilise pas la bouche. Faites ces respirations pendant 3 minutes au moins. Essayez dans le même temps de vous visualisez vous-même, souriant, détendu.
- Puis frottez énergétiquement avec le plat des mains les deux côtés de votre thorax simultanément, sous l’aisselle, jusqu’à provoquer un léger réchauffement de la zone. Ensuite tapotez avec les poings fermés cette même zone durant 1 à 2 minutes.
- Inspirez profondément en visualisant de l’air vert bleu qui entre dans votre foie et expirez en prononçant le son « Shuuuuuu ». Il s’agit d’un son « nettoyant », qui relance la circulation de son énergie du foie et favorise son bon fonctionnement. Vous pouvez pratiquer cette étape 3 à 5 minutes.
Et maintenant, pour ceux qui voudraient aussi des solutions plus « classiques » pour tempérer leurs émotions, voici quelques pistes intéressantes :
Huiles essentielles
Certaines huiles essentielles bien sélectionnées peuvent jouer un rôle calmant.
En cas de brusque bouffée de colère : masser 1 goutte d’huile essentielle de lavande vraie, Lavandula angustifolia, diluée dans un peu d’huile végétale, par exemple de l’huile d’amande douce au niveau de la face inférieure du poignet pour faire retomber la pression.
S’il s’agit d’une colère sourde, en lien avec une sensation de frustration et de vengeance : masser 1 goutte d’huile essentielle de Camomille noble, Chamaemelum nobile, au niveau du dos de la main entre le pouce et l’index, pour aider à lâcher la rage intérieure.
A l’hôpital de Poitiers, par exemple, une aromathérapeute passe chaque matin dans les chambres des malades pour leur proposer des huiles essentielles pendant leurs traitements de chimiothérapie. On leur suggère de l’huile essentielle de marjolaine s’ils ressentent de la colère face à la maladie.
Fleurs de Bach
Je précise que l’utilisation des fleurs de Bach ne repose sur aucune validation scientifique mais sur l’expérience d’un médecin anglais, le Dr Edward Bach (1886 -1936).
Celui-ci a établi une liste de 38 fleurs et plantes correspondant aux émotions et aux sentiments perturbateurs de notre équilibre intérieur.
Parmi elles, Holly (houx) convient en cas de colère extériorisée (on hurle, on frappe du poing sur la table) tandis que Willow (saule) est plus adaptée aux colères rentrées (ruminations, pensées obsessionnelles).
- Contre la montée ponctuelle de colère : 4 gouttes de Holly sous la langue. Recommencez 15 minutes plus tard tant que le besoin s’en fait sentir.
- En cas de ruminations : 2 gouttes de Willow diluées dans un verre d’eau à boire par petites gorgées, 4 fois par jour, en cure d’environ trois semaines.
Et aussi
En traitement homéopathique de fond : Nux vomica 15 CH, 5 granules par jour, à laisser fondre sous la langue, en cure de 3 mois.
Du côté des plantes : la valériane diminue la nervosité et l’irritabilité et permet de lutter contre les troubles du sommeil. Pour une tasse de tisane : laisser infuser pendant 10 minutes 1 cuillère à café (3 g environ) de racines de valériane dans 150 ml d’eau bouillante. Boire 3 à 5 tasses par jour.
Ma décontamination personnelle
Enfin, pour finir, j’ajoute une conviction un peu plus personnelle, mais je crois que la beauté, la vraie, celle qui pénètre au fond de l’âme et du cœur, est une arme d’une puissance inégalée lorsque le vent de la colère menace notre paysage intérieur.
Et cette beauté ne tombe pas toujours du ciel, il faut cultiver l’esprit de quête et de curiosité qui permet de la rencontrer.
Vous pouvez simplement aller respirer les embruns, lire un poème, plonger vos yeux dans le regard d’un petit bébé, vous pouvez marcher devant vous, courir aussi vite que vous le pouvez, lever les bras vers le ciel, et ressentir la plénitude d’être là, conscient de la chance que vous avez d’être bien vivant !
Ce n’est peut-être pas très « médicalement correct », mais qu’est-ce c’est BON !
Combris
Sources :